Abel Tiffauges est un enfant malingre, le souffre-douleur des autres enfants du pensionnat où il est élevé. Il parvient à survivre à cette enfance difficile en se créant un monde imaginaire empli de signes, et aussi grâce à la protection de Nestor, un autre élève. Mais Nestor meurt lors d'un incendie, incendie qu'Abel imagine avoir lui-mêmê provoqué. Des années plus tard, Abel est fait prisonnier lors de la seconde guerre mondiale, puis envoyé dans un camp de travail en Prusse Orientale. En arrivant en Prusse, il croit voir les signes imaginés dans son enfance, et pense être promis à un grand destion là-bas.
J'ai trouvé que ce livre dressait un portrait absolument saisissant. J'ai perçu Abel Tiffauges comme un homme profondément désiquilibré et désaxé, cependant attachant car il semble chercher à lutter contre ses pulsions dévastatrices en se construisant un monde et un mode de pensée qui est hors de la rationalité. Pour moi c'est le portrait d'un fou, dont on est amené à percevoir la vision du monde via des passages de son journal intime. Pendant la lecture, j'ai également adoré la très belle langue de Tournier, et les nombreuses descriptions qui m'ont permis de visualiser et d'entrer dans la vie d'Abel Tiffauges (colombophilie, paysages de la Prusse orientale, chasse, napola nazie, etc...).
Mais par ailleurs, je n'ai pas vu de sens plus profond à ce livre - car ce portrait d'Abel Tiffauges me semble si particulier, si spécifique, que je n'ai pas pu généraliser. Ainsi de nombreuses critiques mettent en avant la complexité du monde des signes d'Abel... Que l'on peut tout de même résumer à quelques notions relevant de croyances délirantes (inversion maligne/bénigne, phorie, ogres, communion avec le destin, etc...). Après la première partie où ces notions sont introduites, elles sont illustrées au cours de la suite de la vie d'Abel. Mais elles me semblent si éloignées de la rationalité, si confondues avec les croyances obscurantistes, que je ne vois pas quel enseignement en tirer! De même, que tirer sur la notion de bien ou de mal, ou sur un parallèle éventuel avec les nazis, dès lors que l'on parle d'un fou perdu dans son propre délire?
La comparaison qui me vient à l'esprit, c'est celle avec le réalisme magique. Car ce livre, très réaliste quand à l'environnement et aux faits, fait appel à la magie et au surnaturel dès lors qu'Abel interprète cette réalité. Mais apparemment, après avoir lu d'autres critiques de ce livre, ma perception et mon analyse sont un complet contresens... Tant pis, cela ne m'a pas empêché de beaucoup apprécier ce roman.
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