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[Anatomie d'un instant | Javier Cercas, Elisabeth Beyer ...]
Auteur    Message
amiread1



Sexe: Sexe: Masculin
Inscrit le: 16 Mar 2007
Messages: 812
Localisation: Chateaudun


Posté: Ven 19 Nov 2010 23:03
MessageSujet du message: [Anatomie d'un instant | Javier Cercas, Elisabeth Beyer ...]
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[Anatomie d'un instant | Javier Cercas, Elisabeth Beyer (Traducteur), Aleksandar Grujicic (Traducteur)]

Le 23 février 1981 le colonel Tejero et ses gardes civils envahissent la salle où les députés espagnols sont en train de délibérer pour choisir un nouveau chef de gouvernement, Adolfo Suarez étant démissionaire. Pendant quelques heures l'issue du coup d'état est incertaine. C'est le roi Juan Carlos qui fera basculer les indécis dans le camp de la légalité en imposant son autorité aux militaires dissidents et en s'adressant directement aux espagnols à la télévision.

Javier Cercas aborde ces évènements d'une manière non conventionelle. Ce livre n'est ni le livre d'un historien, bien que tout y soit rigoureusement exact, ni un roman puisque tous les personnages ont bien éxisté et que la trame de "l'histoire" ne doit rien à l'imaginaire de l'auteur.Dans un prologue à son livre Cercas explique sa démarche ; l'envie d'écrire un ouvrage sur le 23 février se heurtait au choix de la forme : étude historique ? roman ? Les protagonistes de ces évènements parurent alors à Cercas comme des personnages de roman. C'est le visionnage en boucle du film (le caméraman de la TV espagnole continua de filmer pendant les premières heures du coup d'état...) qui le lui confirma. On y voit en effet deux des principaux protagonistes de l'histoire, Adolfo Suarez le premier ministre démissionaire, et Santiago Carillo le communiste pur et dur, rester tous les deux inflexibles sur leur banc de parlementaire alors que tous leurs congénères s'étaient applatis au sol lorsque les gardes civils arrosèrent la salle du congrès de leurs mitraillettes. Cercas se demanda alors quelles pouvaient bien être les motivations de ces deux là. D'où des questionnements nombreux et contradictoires qui parcourent le livre qui se veut comme une dissection du coup d'état (Anatomie d'un instant).D'où s'en suit également un style confus qui met parfois la compréhension à mal....

Ceci dit ce livre est d'abord un bon outil pour comprendre, presque heure par heure, le déroulement du coup d'état, ses causes, ses raisons profondes, le poids de l'histoire....L'auteur se fait chercheur, pose des hypothèses,prend parti....
Il revient longuement sur le difficile accouchement de la démocratie espagnole . Celle-çi loin de s'être imposée, presque "naturellement" , fût le résultat d'un "gentleman's agreement" entre les franquistes "historiques" et les "libéraux" épaulés par le roi ; le principal article étant que jamais la "démocratie" ne devrait demander des comptes sur les temps passés... et ne jamais officialiser le Parti communiste..;(ce que Suarez fit pourtant ! ). On comprend alors que le coup d'état du 23 février 1981 ne fût pas un "golpe" d'opérette, malgré les gesticulations du Lieutenant-colonel Tejero ponctuées de sa voix de fausset...Derrière lui s'agitaient tout le ban et l'arrière ban des franquistes nostalgiques ; des militaires bien sûr, mais aussi des hommes de l'entourage du roi mus autant par la revanche que par l'ambition. Javier Cercas, au vu d'archives,soupçonne même le roi d'avoir, par un jeu trouble ou du moins par une passivité malheureuse, encouragé la rebellion.

Un livre qui intéressera les "afficionados" de l'Espagne et de son histoire.

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[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur Wikipedia]
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Auteur    Message
Brujula




Sexe: Sexe: Féminin
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Messages: 483

Âge: 59 Balance


Posté: Mer 01 Déc 2010 0:16
MessageSujet du message:
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Ah, le 23F... J'avais 15 ans.
Les débats parlementaires étaient retransmis en direct à la télé espagnole, sur la première chaîne... et nous les suivions. Ils étaient aussi retransmis (en direct également) à la radio... Beaucoup d'Espagnols l'ont donc vécu en direct, ce coup d'état...
Je me souviens de mon incompréhension totale, quand, alors que je venais de rentrer du lycée, mon grand-père d'abord, un de mes oncles ensuite, ont appelé en demandant à parler à mon père (qui ne rentrait jamais du travail avant 20h ou 20h30). Je leur ai répondu qu'il était au travail, ils m'ont dit que c'était impossible... mais ne m'on rien dit d'autre. J'ai allumé la télé, y'avait plus rien (enfin si, sans doute des séries ou de la musique). Sur la radio nationale, c'étaient des marches militaires (ils avaient aussi pris les studios de Prado del Rey, siège de la RTVE). Puis ma mère est rentrée. Elle était furieuse de ce qui se passait. C'est elle qui m'a expliqué ce qui était arrivé. Mon père est rentré un peu plus tard, nous disant qu'il s'était demandé s'il partait directement du boulot à Perpignan (nous aurions été évacués par le consulat de France, mais lui n'a que la nationalité espagnole) ou s'il rentrait à la maison. Nous avions peur, et nous étions en colère. Quand le roi a parlé à la télé, tard, après minuit, mon père m'a rappelée dans ma chambre, c'était l'histoire en train de se faire.
Le lendemain au lycée, il y avait pas mal d'absents... Des familles qui étaient parties de l'autre côté de la frontière la veille au soir, au cas où...
Notre prof de math nous a laissé écouter la radio pendant son cours, pour que nous sachions où en étaient les négociations pour la libération des députés. Et quel soulagement en début d'après-midi quand tout a été terminé....
Cercas n'est pas bien plus vieux que moi... Il a certainement les mêmes souvenirs. Nous étions très politisés à l'époque. Aller voter, écouter les débats parlementaires, c'était important.
Je me souviens encore de ce sentiment de rage impuissante à l'idée qu'on puisse revenir en arrière...
Je pense que pour tous ceux qui avons vécu "la transición" et ce fameux coup d'état, la démocratie ne sera jamais rien de banal et de définitivement acquis... et les politiciens ne seront jamais "tous les mêmes" pour nous...
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Auteur    Message
Franz



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Messages: 1992
Localisation: Nîmes
Âge: 64 Lion


Posté: Mer 01 Déc 2010 20:30
MessageSujet du message:
MessageDescription du sujet: Caray !
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Belle note de lecture cher amiread1 et réaction très intéressante et nuancée de brujula. La démocratie est précieuse et certains hommes politiques sortent heureusement du lot.

Buena suerte !

Franz
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Auteur    Message
apo



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Localisation: Ile-de-France
Âge: 52 Poissons


Posté: Jeu 02 Déc 2010 19:26
MessageSujet du message:
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Merci pour ton témoignage, Brujula.
_________________
Sunt qui scire volunt
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Auteur    Message
amiread1



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Messages: 812
Localisation: Chateaudun


Posté: Lun 20 Déc 2010 22:17
MessageSujet du message:
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Merci Brujula de ta note de lecture "on live". Très intéressante. L'Histoire espagnole m'intéresse beaucoup ; peut-être parce que c'est une Histoire très violente (depuis Numance jusqu'à la guerre civile en passant par l'Inquisition, la conquête de l'Amérique,les guerres napoléoniennes...).
Et c'est juste ce que tu dis : peut-être ne devrions nous pas mettre tous les politiques dans le même sac ! l'exemple de Adolfo Suarez est là pour nous le montrer. Cercas ne le ménage pourtant pas ! il rappele bien tout ce Suarez doit à Franco (il fût directeur de la RTVE je crois...), mais c'est quand même grace à Suarez (entre autres bien sûr) que la transition put se faire. Et Cercas est presque béat d'admiration pour la posture crane que Suarez adopta ce soir là ! (^même s'il y soupçonne un brin de machisme typiquement espagnol et aussi une volonté inconsciente de mourrir, genre : "tout est perdu fors l'honneur") .
_________________
"Lorsque Dieu créa le temps il en créa suffisamment". Proverbe irlandais.
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