J'avais depuis longtemps envie de découvrir Pascal Garnier, dont j'ai pu lire tant de bien sur divers blogs de lecture. Le Monsieur est semble-t-il plutôt discret : il vit retiré dans un village ardèchois où, en plus d'écrire, il peint, et ses romans s'étalent rarement (si ce n'est jamais) sur les présentoirs exhibant les "must" des rentrées littéraires. De quoi me le rendre bien sympathique, en somme... Le revers de cette sous-médiatisation est que très peu de ses romans sont à ce jour sortis en poche, et quand on sait qu'en général ils sont TRES courts, je vous avoue qu'en achetant "L'A26" (absent des rayonnages de la bibliothèque municipale), je me suis dit qu'il avait intérêt à me plaire -et même plus-, si je ne voulais pas que cette acquisition me reste en travers de la gorge...
Quelques 114 pages (et à peine une heure !) plus tard, je ne suis pas vraiment déçue, car j'ai incontestablement trouvé à ce récit de grandes qualités... le seul problème, c'est que j'ai un peu le sentiment d'avoir déjà lu cette histoire : elle ressemble terriblement à celle du "Frère et soeur" de Patrice Juiff, et entre les deux, c'est vers ce dernier que penche ma préférence.
"L'A26", c'est le nom de l'autoroute en construction à proximité de chez Yolande et Bernard, qui sont donc frère et soeur. Bernard travaille à la SNCF, mais la récente progression du cancer dont il est atteint l'oblige à se mettre en arrêt. Yolande, elle, n'est jamais sortie de la maison depuis qu'elle fut tondue à la libération, quelques décennies plus tôt ! Les volets restent clos en permanence, et c'est par une de leur fente, qu'elle appelle le "Trou du cul du monde", qu'elle se risque parfois à jeter un rapide coup d'oeil à l'extérieur.
La relation qu'entretiennent ces deux-là est trouble, Yolande (qui est l'aînée) ayant sur son frère un ascendant dont elle profite avec un certain sadisme, et on devine la frontière fragile entre sentiments fraternels et comportement incestueux.
C'est avec un certain détachement que Pascal Garnier relate cette histoire sordide : la narration se fait à la troisième personne, et il se contente d'énoncer des faits. Le résultat, c'est qu'une distance est maintenue entre les personnages et le lecteur, donnant l'impression de découvrir des individus évoluant dans un monde qui nous est totalement inconnu, un monde qui se nourrit de leur folie et de leurs fantasmes, de leurs angoisses, aussi. Et c'est plutôt glaçant... on ne peut s'empêcher de penser que Yolande et Bernard sont des monstres dépourvus de conscience et de morale.
C'est là que se situe la différence avec le roman de Patrice Juiff, que j'ai trouvé plus troublant, parce qu'en dépit de l'aspect tout aussi glauque de son histoire, il parvient à doter ses personnages d'une plus grande complexité, nous les rendant plus attachants, et plus humains, tout simplement. Cela tient en grande partie au fait qu'une partie de son récit est la transcription des pensées de son héroïne, dont l'ignorance et la naïveté finissent par nous toucher. Là où Pascal Garnier suscite l'effroi et le dégoût, Patrice Juiff suscite l'effroi et la pitié...
Bon, mon achat ne me reste pas en travers de la gorge... mais j'aurais tout de même aimé que ce roman soit plus long !
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