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[Prométhée réenchaîné | Bernard Charbonneau]
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Posté: Ven 27 Fév 2009 10:02
MessageSujet du message: [Prométhée réenchaîné | Bernard Charbonneau]
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Mon premier livre de Charbonneau. Je dois dire que je ne suis pas déçu!
Ses phrases ont un je ne sais quoi de poétique bien tournée qui donne de la force à ses propos. Je trouve que Charbonneau, s'il écrit de façon moins systématique que Jacques Ellul, est néanmoins plus facile à lire (pas forcément plus facile à comprendre). Il se laisse aller à imager ses propos, de manière tantôt belle, tantôt écoeurante, mais toujours avec force.

Ici, il traîte de la condition humaine dans le contexte des révoltes et des révolutions sociales. Une très belle oeuvre, dont je ne peux m'empêcher de vous donner quelques citations qui m'ont touchées :

- je préfèrerais moins de liberté dans moins d'organisation
- (en parlant de nos lumières scientifiques) notre lumière est trop crue; son éclatant miroir nous renvoie notre propre vue, laissant intacte à son envers une pure opacité que désormais rien n'éclaire : hors des sciences, il n'y a plus que magie noire.
- combien d'hommes demeurés sains d'esprit dans un monde où la logique serait moins exigeante perdent la raison dans celui-ci!
- dans une société qui n'a plus de critères spirituels, l'individu "normal" ne peut être que statistiquement défini, c'est l'individu moyen.Tout ce qui sort de ce modèle n'est plus qu'anormal.
- la liberté n'est pas dans l'absence de chaines, mais dans la force qui les rompt.
- le conformisme d'hier - respecter son père, être fidèle à sa femme - deviendra la vertu personnelle d'aujourd'hui.
- qui vit dans la nature tente de s'en déprendre, et qui l'a perdue s'en revendique à grands cris.
- les femmes se fardent parce que, dans la société du désir, le premier devoir est de plaire, même si l'on n'a rien à vendre.
- (le femme) réclame l'égalité avec l'homme, mais comme bien des revendications d'égalité, celle-ci est revendication de similitude.
- le métier reste la plus solide des chaines.
- qui n'est pas emmerdé s'emmerde.
- il n'y a plus de fête quand elle a lieu tous les jours.
- dans une société dont la réussite est le seul sens, la vie n'en a plus pour qui a réussi.
- quelle société élimine le mieux la révolte, celle qui la réprime, ou celle qui l'intègre? Celle qui la brise ou celle qui la corrompt?
- si notre société tolère une certaine immoralité, elle ne pardonne pas à l'échec.
- nous sommes ailleurs; partout sauf ici, présents en nous-même. Nous fuyons ce qui est proche, car ce qui est proche nous concerne; et qui est proche est profond, donc vertigineux.
- comme un homme qui se noie dans un gouffre, celui qui prétend refuser toute vérité formulée est prêt à se cramponner à la première venue. Le vide appelle le plein : qui ne croit à rien peut croire à tout.
- au seigneur exploitant des serfs succède le patron exploitant des prolétaires.
- il n'y a qu'une fête, quand quelqu'un ouvre les yeux sur l'univers et sur autrui; et elle peut avoir lieu à tout instant. Mais celle-ci est chant profond, donc silence.
- la jeunesse, c'est une idée de vieux (...) qu'importe qu'elle crie contre la consommation pourvu qu'elle consomme!

Après ça, je constate encore une fois combien il est difficile de citer hors contexte. Évidemment, chacune de ces citations est intimement liée à un développement, et si la citation n 'est pas poétique en soi, le développement l'est, et le sens est là. J'espère tout de même que ça vous aura donné un peu soif!

Ce livre est une critique de la société, mais aussi des révolutions, qui ne font que reproduire - en en changeant la forme - les sociétés précédentes, mais en pire. Il dit à ce propos : "il arrive qu'en voulant tuer le père on le ressuscite". Un très beau livre à méditer.

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Prométhée
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Posté: Mar 13 Nov 2012 12:32
MessageSujet du message: Prométhée
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Bonjour,
j'adhère à ta vision de Charbonneau. Je l'ai découvert l'an dernier avec Sauver Nos Régions et je suis sous le charme de son écriture.

Toutefois, je pense qu'il faut modérer le pessimisme de Charbonneau en général et sur la révolution en particulier. Bien qu'il nous montre les risques que représentent les révolutions, il me semble que l'on peut y voir là le problème politique fondamental : toute révolution effectuée au nom de la liberté passe par une destitution du pouvoir en place mais elle ne peut se maintenir dans cette position de destitution, il lui faut dès lors instituer et c'est ainsi qu'elle perd la liberté. C'est un thème cher à Hannah Arendt (Essai sur la révolution, Réflexions sur la révolution hongroise).
Réduire cette posture à un simple pessimisme nous fait manquer toute une réflexion sur ce qu'est la politique (ou le politique pour rester dans le langage d'Arendt). Charbonneau développe particulièrement ce point lorsqu'il articule Révolte et Révolution.

Qu'en pensez-vous ?
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Auteur    Message
Laudateur



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Posté: Dim 18 Nov 2012 14:10
MessageSujet du message:
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Dur dur d'exprimer ce que j'en pense! Dans la trilogie d'Ellul sur la révolution (dont je n'ai lu que deux opus), l'accent est mis sur le pessimisme de la révolution telle qu'on nous la présente. Pour autant, Ellul se disait révolutionnaire (les illusions des lendemains qui chantent en moins). C'est cette attitude qui est accusée de pessimisme, et Charbonneau en était pétri tout comme son ami Ellul. Mais pourtant, c'étaient - sans doute possible de mon côté - des révolutionnaires, qui appelaient de leur voeu un changement de paradigme et qui ont mis la main dans le cambouis.

Mais avant de "construire la révolution", ne faut-il pas détruire les illusions?
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"Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument."
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