Tiens, je n'avais pas vu passer le troisième tome de la série Les Pauvres aventures de Jérémie ? Ceci dit, j'aurais juré que No sex in New York, paru dans la même période, faisait partie de la série.

Voilà qui est réparé.

Résumé de Dargaud : Jérémie vit comme dans un rêve : installé avec la ravissante Honorine, il emménage dans la maison familiale plutôt cossue. Bien dans son temps et dans sa peau, Honorine suit des cours de pilotage et roule en Smart. Jérémie appelle même Honorine "ma chérie". Bref, ces deux-là nagent dans le bonheur... À moins que ce rêve ne soit finalement qu'une nouvelle angoisse existentielle de Jérémie ?!!


On imaginait que c'était le moment où les adulescents du groupe grandiraient, mais ils ont professionnalisé leurs hobbies (jeux vidéo, dessin...) et ont du mal à négocier le virage de l'âge adulte. C'est particulièrement piteux du côté des filles de la bande qui traînent la cour de récré sur le lieu de travail... Il faut dire que quand la boîte joue le flou dans les frontières (Sattouf le souligne en passant), ça n'aide pas.

Jérémie développe un complexe de l'imposteur : il emménage dans un château dont il meuble royalement la cuisine (Honorine meuble le reste de la demeure pour plus de 230.000 €), a une compagne dont l'entregent et les moyens financiers (ceux de son père) sont sidérants, et il continue à rêver avec son ami Moselle à des expériences sexuelles particulières, en s'en voulant et en mourant de peur d'être pris. Hanté par le désir pour le désir, par un de ses camarades de classe décédés (qui donne corps aux fantômes du château), guidé, trahi par l'hypnolalie dont sa compagne et lui-même sont affectés, Jérémie va plus mal que bien.

Il y a dans chacun des tomes, un petit être solitaire, malheureux qu'on intégrerait bien mais qu'on préfère loin et c'est le pauvre garçon décédé. Il ne reste plus qu'à le faire apparaître en songe.

Les quarante-huit pages de la bande-dessinée passent très vite. J'ai eu une impression de suspens puis, immédiatement après, je l'ai trouvée très dense !

Beaucoup d'effets de contrastes entre les passages diurnes avec les mêmes couleurs vives (mais moins tendres) que j'aime et les passages nocturnes, hypnotiques, fantomatiques et fantasmatiques, où les perceptions sont effrayantes : qu'a-t-on réellement vu et entendu ?

Je suis un peu déçue, car j'ai l'impression que l'auteur n'a pas transformé l'essai des "Jolis pieds de Florence". Ces vacances en Bretagne, toujours sur fond de frustration sexuelle et de drague, a quelques effets humoristiques, mais elles n'ont pas la profondeur de l'opus précédent. Peut-être le désarroi du petit homoncule boutonneux et dégarni est-il particulièrement touchant, mais les autres personnages font ados attardés et sans personnalité, cette fois.
J'aime bien les dessins et surtout les couleurs tendres utilisées.

J'ai eu un peu de mal à entrer dans les traits lisses et simples, les couleurs tendres de cette BD en sortant de Larcenet, mais je m'y suis faite avec plaisir.

L'histoire et les personnages m'ont plu, l'indulgence avec laquelle Sattouf traite le plus misérable d'entre eux est communicative et à la fin, on comprend que ça n'était pas indulgence mais justice qui leur était rendue, et là, on s'éloigne de la BD-bo-bo avec laquelle on aurait pu la confondre.
Pauvre Jérémy, ai-je trop vite pensé. La chute m'a fait dire, sur le coup, que la vie était injuste, et puis, en considérant tous les éléments (il faut considérer TOUS les éléments dans ces planches, RIEN n'est gratuitement dessiné !) que même si Ollambébé avait pu parler sans être interrompu, sans l'usure du temps et le désenchantement, Jérémy aurait pu trouver instinctivement ce qu'il fallait faire : au début, il ne pensait qu'à le faire. Pourquoi n'y pense-t-il plus au bout de quelques temps "d'amour" ?
Le nomadisme sexuel, la désinvolture des corps alors même que la fragilité des coeurs est mise en évidence, atteint tous les personnages.

Jérémie travaille dans une société de création de jeux video, il est un peu rêveur. Surtout : c'est un raté de l'amour. Même quand ça devrait, ça ne marche pas. Et c'est ça qui est drôle !

Et là, victoire, Florence dont il observe les pieds quand elle joue avec ses chaussures au bureau, Florence qu'il voit dans ses rêves, Florence qui semble si libérée, Florence lui donne rendez-vous.

On suit Jérémie, ses doutes, ses questions métaphysiques telles que "pourquoi les jeunes de banlieue portent-ils leurs joggings avec une jambe de pantalon relevée sur le mollet ?" et ses relations avec ses amis, ses conquêtes...
J'ai le tome 2 et 3 en attente à la maison et j'ai hâte de savoir quelle sera la suite parce que non seulement c'est drôle mais en plus, c'est original !