[Le dernier Livre de la Jungle. T. 1, L'Homme | Stephen Desberg, Henri Reculé]
Comment ne pas être touché par le message écologique du Dernier livre de la jungle scénarisé par Stephen Desberg et illustré par Henri Reculé et Johan De Moor ? Au crépuscule de la vie de Mowgli répond le chant du cygne de la jungle hindoue : « Jadis, je croyais que la jungle recouvrait toutes les Indes » ; « On entendait l’appel des animaux à travers les collines ». On revient par le jeu de la mémoire sur l’adoption de Mowgli par les loups sous la protection de Baloo, l’ours à collier et de Bagheera, la panthère noire, sous la menace du tigre boîteux et paria, Shere Khan. Certains retours en arrière sont particulièrement réussis comme celui entre la page 20 et 21. On passe du visage serein du vieil homme à celui de l’enfant anxieux juché sur le dos d’un loup. L’émotion croît à mesure que l’enfant grandit. La bonhomie de l’ours transparaît dans le vol du miel et la chute dans la rivière protectrice, sa patte salutaire tenant Mowgli sous l’eau le temps que l’essaim furieux s’essouffle. On sent peser une damnation sur l’homme. Shere Khan, furieux, lacère l’air et l’épaule de Mowgli d’une salve de mots : « Oui. Je suis un paria de la jungle parce que j’ai tué des hommes et toi parce que tu es un de ces hommes ». Bagheera a auparavant enfoncé le clou : « Toi aussi tu attraperas leur maladie : le besoin, l’illusion de dominer, de contrôler tout ce que tu pourras voir ou toucher ! » S’assumer en tant qu’homme revient à s’émanciper et à se mesurer à la solitude.
La lecture est rapide et l’émotion va crescendo. Le dessin est limpide et les couleurs sont superbes. La mise en page est nerveuse et les animaux sont expressifs. Il n’y a aucun temps mort, nul ennui par rapport à une histoire déclinée à l’envi. Pourtant, les réticences sont grandes par rapport à Kipling et à sa mise en petite boîte des hommes : le Français est braillard et vaniteux comme le singe et roi d'opérette Louis ; le Japonais est sournois et cruel comme le serpent Kaa ; l’Anglais est loyal et fidèle comme la panthère Bagheera… Ce sont ses propres dires et c’est affligeant. Stephen Desberg a su donner une nouveau souffle à cette antienne éraillée. Ouf !
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