[Le cri du peuple. 1, Les canons du 18 mars | Jean Vautrin ; Jacques Tardi]
Grondin et Tarpagnan.
Jean Vautrin (1933-2015) sent et sait que la reprise en main de son roman « Le cri du peuple » (1998) par Jacques Tardi va insuffler une vitalité nouvelle à l’histoire de la Commune de Paris (18 mars-28 mai 1871). Il loue le talent du dessinateur en préface. Tardi est dans son élément : Paris, les anonymes sacrifiés, la bêtise militaire, la lâcheté politique… De ses pinceaux empesés et de son trait épais, il sait plomber le cadre et poisser l’atmosphère, cernant l’absurdité des situations dans l’hébétude des visages, à la fois esquissés et terriblement expressifs. Vautrin romance l’épisode communard c’est-à-dire qu’il invente des personnages et des scènes mais il ne sacrifie pas la vérité historique même s’il prend le parti des fédérés.
Tout commence avec la demande des militaires à la police parisienne de faire dégager l’esplanade des Invalides pour y entrepose les canons appartenant aux Parisiens, risquant de provoquer une insurrection populaire. Les émeutiers dont Fil-de-Fer vont profiter de l’aubaine pour soulever les masses. Grondin, agent de la Sûreté, bagnard évadé et notaire assoiffé de vengeance, observe de près les manigances politiques bien qu’il recherche avant tout l’officier militaire, le capitaine Tarpagnan, responsable selon lui du meurtre de sa tutrice et de son bébé. De son côté, Tarpagnan a la lourde charge de s’emparer des canons et de faire face à la harangue populaire. Les invectives volent, la situation est tendue et Grondin pense tenir le criminel qui l’a privé d’un être aimé tout en l’envoyant au bagne pour un assassinat particulièrement odieux dont il se clame innocent. Le fiasco n’est pas là où on l’attendait. Le 18 mars 1871 est une date charnière pour les personnages, Grondin et Tarpagnan en tête.
Le format à l’italienne, la qualité d’impression et l’emboîtage cartonné positionnent d’emblée l’adaptation dessinée comme une œuvre majeure du 9e art. Il faut bien admettre que de beaucoup d’éléments plaident en ce sens avec la reconstitution historique, l’assemblage réussi de la petite histoire dans la grande et surtout la création d’un climat où toute une époque révolue, grouillante et populaire devient compréhensible jusque dans ses expressions argotiques par la grâce d’une mise en scène inspirée et d’un trait en adéquation avec le propos. La suite ne saurait décevoir.
----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur
Wikipedia]
Afficher toutes les notes de lectures pour ce livre