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[Le Journal d'un homme de trop | Ivan Tourguéniev]
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apo



Sexe: Sexe: Masculin
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Localisation: Ile-de-France
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Posté: Jeu 10 Fév 2022 15:08
MessageSujet du message: [Le Journal d'un homme de trop | Ivan Tourguéniev]
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Dans la famille des anti-héros, des « hommes sans qualités », le Tchoulkatourine de Tourguéniev (1850) est peut-être parmi les précurseurs, sans être l'aïeul absolu. Célibataire à peine trentenaire à qui son médecin a pronostiqué une mort imminente, il entreprend la rédaction d'un journal qui se déroule effectivement du 20 mars au 1er avril d'une année indéterminée du XIXe siècle. L'amertume pour sa fin prématurée, annoncée de surcroît dans la renaissance jouissive de la nature printanière, l'amène à un bilan implacable de son existence : il se juge caractérisé par sa qualité de surnuméraire.
Pourtant, après un bref portrait de ses parents et de son enfance, un élément biographique, unique mais pas du tout anodin, fait l'objet de la nouvelle : l'histoire d'une formidable passion amoureuse non réciproque. Les étapes de la relation amoureuse, dans le cadre de la classe des notables provinciaux (russes) du XIXe siècle sont toutes franchies : la fréquentation assidue de la famille de la jeune fille, les lectures et promenades dans le bois, le surgissement d'un homme plus séduisant et de position sociale plus élevée que le protagoniste, le bal, le duel, l'humiliation et l'ostracisme, la disparition du félon « prince charmant », l'espoir d'un mariage réparateur comme pis aller...
Cette narration stéréotypée, qui sied parfaitement à la personnalité conformiste du protagoniste, semble pourtant indigne du grand romancier Tourguéniev... Il y a quelque chose qui cloche, dans la narration de la vie entière d'un homme banal.
Je présume qu'il faut la chercher du côté de la méprise du narrateur sur lui-même. En effet, dans son histoire d'amour, et contrairement à ce qu'il prétend démontrer, il n'a nullement été « de trop » : à l'inverse, il a provoqué et précipité les événements d'une manière absolument active et délibérée. Mais il s'est trompé. Par conséquent, on peut avancer aisément que Tcholkatourine, tout en étant très bon observateur, a une plus faible aptitude à l'analyse que le lecteur (espéré de Tourguéniev) : il se trompe dans le jugement de soi de même qu'il s'est trompé dans ses comportements avec Lise, avec le rival princier et même avec Bizmionkov, le vrai rival...
Irais-je trop loin, commettrais-je un anachronisme en supposant que l'auteur émet ainsi une critique envers le rituel amoureux et matrimonial de son époque, dans lequel les sentiments de la jeune fille sont considérés à tort par les hommes comme une entité négligeable, sans aucune importance dans le déroulement des événements... ?


Cit. :


« De trop : c'est bien cela. Cette formule ne s'applique pas aux autres hommes... Les hommes il y en a de mauvais, de bons, d'intelligents, de bêtes, d'agréables, de déplaisants ; mais de trop... non. Enfin comprenez-moi bien : l'univers pourrait fort bien se passer d'eux... bien entendu ; mais l'inutilité n'est pas leur qualité principale, leur signe distinctif, et lorsque vous parlez d'eux, les mots "de trop" ne sont pas les premiers qui vous viennent aux lèvres. Tandis que moi... de moi, il n'y a pas moyen de dire autre chose : homme de trop, c'est tout. Surnuméraire, et tout est dit. » (p. 23)

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Swann




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Posté: Ven 11 Fév 2022 9:12
MessageSujet du message:
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Je ne peux m'empêcher de penser à "L'homme surnuméraire", de Patrice Jean, dont la lecture m'avait ravie... Mais ta présentation ne me permet pas de supputer que ce dernier avait lu Tourgueniev... dont je ne connais pas cette œuvre précise et tu m'en donnes la curiosité.
Si j'ai bien compris, la série de péripéties cliché t'a déçu de la part de Tourgueniev... Je vais essayer de supposer que c'était volontaire de sa part (et dans ce cas, c'est immense d'avoir joué à entrer dans des chaussures si petites pour le bien de sa démonstration littéraire) et parvenir à faire tenir à un narrateur un raisonnement si faux que le lecteur parvient à le voir... pour moi, c'est la marque des plus grands.
Pour continuer à me ridiculiser en analysant sur la base d'une analyse un livre que je n'ai pas lu, je me demande si ta question finale n'appelle effectivement pas une réponse affirmative. En réalité, l'anachronisme serait peut-être dans le féminisme (que les auteurs russes de ce temps ne vilipendaient pas toujours, si j'en crois Tchekhov) plutôt que dans le constat que la part de l'autre (femme ou pas) dans une relation est l'x de l'équation qui oblige à prendre tout le reste avec précaution ?
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Auteur    Message
apo



Sexe: Sexe: Masculin
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Âge: 52 Poissons


Posté: Ven 11 Fév 2022 14:46
MessageSujet du message:
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Bonjour l'amie,
Depuis hier, je suis de plus en plus convaincu que l'histoire d'amour banale fait partie d'une critique sociale menée à travers la ridiculisation, de façon totalement délibérée de la part de Tourgéniev. J'ai appris en passant qu'il avait eu maille à partir avec la censure de l'époque pour deux détails qui aujourd'hui passent presque inaperçus : le personnage de l'officier, témoin du protagoniste durant le duel, et la scène de la rencontre de Lise à l'église...
Si le protagoniste peut être considéré comme "insignifiant", "de trop", "surnuméraire" dans les autres étapes du récit, il est évident que dans cette histoire, qui occupe la quasi totalité de la nouvelle, ce n'est pas le cas. Crétin, certes, insignifiant, sûrement pas ! (Pourtant, parmi les rédacteurs de notes sur Babelio, personne ne semble l'avoir relevé...)
Par contre, je ne suis pas sûr de comprendre ta dernière phrase. Dans les machinations du protagoniste pour se faire accepter de Lise et de son père, se croyant sans doute très rusé et se découvrant ensuite pris au piège de ses émotions, il tient compte des opinions de tous les autres : des parents de la jeune fille jusqu'à la vox populi, il sait depuis le début que Lise ne l'aime pas et qu'elle aime le Prince, mais cette circonstance lui paraît simplement insignifiante parce que c'est une femme et que le mariage ne sera pour elle qu'une question de convenances. Oui, mais...
Si tu lisais cette nouvelle, j'aimerais bien apprendre ton avis.
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