Au-delà des débats politisés et peu fiables sur les nombres, j'ignorais qu'il y eût déjà autant d'enfants élevés par des couples homosexuels, et d'âge suffisamment mûr pour qu'on puisse se hasarder à sous-intituler un ouvrage « Homoparentalité, une génération témoigne »...
Dans les faits, j'ai appris que les États-Unis ont adopté en matière d'homoparentalité une démarche opposée à celle de l'Europe : une extrême rigidité dans l'interdiction de l'institution du mariage entre homosexuels, contrebalancée par une très grande libéralité quant aux différentes formes de leur filiation, et ce depuis quatre décennies.
D'autre part, au sujet de ces formes de filiation, j'ai pris conscience qu'elles sont multiples : 1. filiation issue d'une union hétérosexuelle précédant le « coming-out », ou auto-révélation de l'homosexualité d'un parent ; 2. PMA (procréation médicalement assistée) dans ses quelques variantes ; 3. coparentalité, deux couples homosexuels des deux sexes décidant d'avoir et d'élever un enfant à l'instar de couples divorcés ; 4. adoption, avec éventuellement la fiction de faire apparaître comme parent adoptif un(e) célibataire se déclarant hétérosexuel(le) – [car, par un choix jurisprudentiel européen qui me paraît d'une bizarrerie monstrueuse, l'on considère apte à adopter un individu qui prémédite de priver son enfant de l'autre figure parentale à jamais pourvu qu'il soit hétérosexuel et non un couple homosexuel...]
De cette multiplicité il découle qu'en France aussi, au moins depuis les années 90, ces cas sont assez nombreux pour permettre déjà, par le truchement de témoignages « presque adultes », un recul et des généralisations très opportunes dans le débat actuel.
La méthode choisie par l'auteure, à mon sens inspirée par sa profession de réalisatrice de documentaires, a été celle de fragmenter les témoignages – français et américains confondus – selon un plan thématique presque chronologique :
1. « Fonder une famille quand on est homosexuel(le) »
2. « Une famille pas comme les autres »
3. « Queer parents, queer education ? »
4. « Une enfance gay »
Les verbatims sont pratiquement absents, les descriptions de cadre et de circonstances – y compris celles des entretiens – sont abondantes et « visuelles » pour ne pas dire « cinématographiques », les biais représentés par la formulation des questions et toutes les autres interventions de l'intervieweuse en amont et en aval complètement « intraçables », l'hétérogénéité des propos à la mesure de la diversité des individus, les conclusions minimales voire bâclées. Il ne s'agit pas non plus d'un ouvrage scientifique doté de l'appareil de références habituel, mais d'un livre d'une lisibilité extrême.
Un sentiment, un goût, une envie personnelle de généraliser malgré tout me porteraient vers cette unique considération : le temps où les couples homosexuels aspiraient, par leur sexualité et/ou leur identité de genre tout entière, à la transgression, à la contestation, à la remise en cause des schémas culturels et anthropologiques me paraît révolu ; une majorité d'entre eux semble au contraire aspirer à un maximum de norme et de normalité, dans la filiation surtout (« Dans la famille homosexuelle on se lave les dents »...). Dans ce contexte s'inscrit aussi une lente mais intéressante évolution sur la question de l'anonymat vs. de l'identification du donateur biologique (de sperme ou mère porteuse). Autre conséquence inattendue : tout comme chez les conservateurs (hétérosexuels), la préoccupation concernant l'orientation sexuelle de l'enfant élevé par un couple homosexuel semble être presque obsessionnelle, jusqu'au paradoxe d'assister à des réactions de rejet – homophobe... ? - chez certains parents homosexuels dans les cas (minoritaires) où leurs enfants déclareraient la même orientation sexuelle qu'eux... Mais peut-être s'agissait-il précisément là d'un biais éventuellement inconscient de l'auteure ?
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