Dix ans après le drame du tunnel du Mont-Blanc, dont l'incendie fit 39 victimes, parmi lesquelles ses parents, Fabio Viscogliosi a pris sa plume pour nous livrer une rétrospective de ses états d'âme suite à ce drame, une rétrospective chronologiquement fantaisiste sans être chaotique, qui se veut émouvante sans être pathétique.
A partir de ce funeste fait divers, il revient sur les étapes qui, tout au long de cette décennie, lui ont permis d'apprivoiser, peu à peu, l'idée de la disparition de son père et de sa mère.
Dressé comme un symbole de la mort, de la perte, le plus haut sommet de l'hexagone semble dans un premier temps imposer son ombre dans un recoin de son esprit, devenant par moments une véritable obsession. L'auteur se documente alors de façon compulsive sur tout ce qui touche à la montagne, l'alpinisme ou les tunnels, notamment ceux qui furent eux aussi le théâtre de catastrophes diverses. Avec une sorte de rancoeur à la fois fascinée et effrayée, il cherche ainsi, sans doute, à mieux comprendre le "monstre", pour lui restituer au final la place qui lui revient... celle d'un décor naturel indépendant de l'agitation et des erreurs humaines.
En partant d'épisodes souvent pénibles qui suivirent l'incendie (la restitution tardive de certains effets personnels de ses parents, la bataille juridique pour déterminer les responsabilités, ... ), il préfère s'attarder, plutôt que sur les faits, sur l'évocation des sensations, des associations d'idées (parfois incongrues ou inattendues) que suscitent en lui ces événements. Étonné parfois lui-même par ses propres réactions, il en vient, à force de digressions, à évoquer plus largement les petits bonheurs qui constituent pour lui le sel de la vie, comme si, malgré lui, l'existence reprenait le dessus, pour l'amener naturellement à se repositionner avec force dans le monde des vivants.
Loin d'être une oraison funèbre ou le récit de lamentations intimes, "Mont-Blanc" est finalement une ode aux plaisirs de l'existence, le témoignage de la reconnaissance de Fabio Viscogliosi vis-à-vis de ce qui lui a été donné : une enfance simple mais baignée d'amour parental, les plaisirs procurés par la littérature, le cinéma ou la musique, les rencontres enrichissantes. Nous croisons ainsi, au cours de ce pèlerinage constitués de souvenirs et de considérations sur des sujets existentiels aussi bien que sur des banalités, Borges, Fitzgerald, mais aussi Groucho Marx ou Cary Grant ...
Il se dégage de l'ensemble une sorte de mélancolie sereine, l'auteur acceptant les émotions qui lui viennent avec le recul d'un observateur attentif et curieux. Et de ce qui au départ pouvait s'apparenter à un flux désordonné d'évocations sans rapport les unes avec les autres, émerge peu à peu une certaine cohérence : on navigue au gré des pensées de Fabio Viscogliosi, une idée, un souvenir en amenant un(e) autre. Il suffit de se laisser porter par son écriture à la fois souple et sensible.
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