Je suis né en 1952 et la seconde guerre mondiale venait de se terminer. Cette période historique berça mon enfance et mon adolescence par les souvenirs de mes parents, de mes tantes, de mes oncles ; et de mes deux grand-pères qui avaient fait la première...!
Mon père me parlait souvent de ses "exploits" dans ces années sombres et le nom du "Réseau Surcouf" émaillait quelques fois ses diatribes anti-gaullistes (eh oui mon père n'en pinçait que pour Pétain, mais attention hein ! ni pour Laval et encore moins pour les boches! ). Ors ce sont les membres du réseau Surcouf qui ont "sulfaté" la Traction 15CV , un printemps de 1944 entre Beuzeville et Lieurey (Eure), conduite par l'ancienne championne sportive Violette Morris et transportant cinq personnes collaborationnistes de Beuzeville. Le carnage fut total et les réseaux anglais de sabotage et d'espionnage y gagnèrent une paix méritée à quelques mois du débarquement.

Moins politiquement correcte que Violette Morris, il n'y a pas. Enseignement catholique en Wallonie, l'élève Morris ne manifestant guère d'assuidité aux études fut orientée vers le sport par les soeurs ,ce qui à l'époque, pouvait passer pour une sacrée preuve de non conformisme. Premiers succès sportifs omnisports (elle était bonne dans toutes les disciplines...), premières amours ( pas d' à priori : plutôt portée sur les femmes mais ne dédaignant pas les hommes...) , la première guerre mondiale la vit ambulancière au front conduisant son"Taxi de la Marne" reconverti en ambulance dans la boue et sous les bombes. Les années 1920-25 furent ses années d'apothéose sportive : reine de nombreuses disciplines elle remporta maints championnats de France (lancer de poids, javelot, natation,courses,cyclisme....). Parallèlement elle s'adonne au cyclisme sur anneau (le fameux Vel'd'Hiv), au football (féminin), à la course automobile (rallyes)...partout elle brille. Elle aurait pu devenir une icône du féminisme avec sa devise : "Ce qu'un homme peut faire Violette peut le faire...".
Alors quel ange démoniaque commença à gauchir la légende naissante ? Est-ce le refus de la fédération olympique française de renouveler sa licence " pour cause de mauvaises moeurs" ? Est-ce le ressentiment consécutif à ses déboires financiers sur sa petite entreprise de pièces détachées de motos ? déboires causés en grande partie par des manipulations de haut vol d'un "banquier" juif ? Nous sommes en 1934 : c'est l'affaire Stavisky, le débordement des ligues le 6 février, le ressentiment unanime contre les affairistes et les "métèques"...Toujours est-il que Violette Morris commença sa nouvelle carrière de taupe du Reich de la façon la plus anodine possible. Ayant conservé des liens amicaux avec nombre de sportifs allemands et italiens, les années 1930-1939 la virent effectuer de nombreux voyages en Allemagne et en Italie, invitée par les autorités de propagande à participer à beaucoup de meetings sportifs. Petit à petit, manipulée par les services d'espionnage allemands, elle livra aux nazis maints renseignements sur la ligne Maginot notemment, sur les plans de défense, sur l'activité économique de la France.....
Le vers était dans le fruit. A la déclaration de guerre de 39, Violette Morris n'eût pas à choisir son camp ; naturellement elle se tourna vers les nazis dont beaucoup de cadres des services d'espionnage connaissaient "La Morris". Elle intégra un service "spécial" de la Gestapo destiné au noyautage des réseaux de résistance montés par les anglais en France (par le SOE notemment). Son entregent et son dynamisme au service des nazis firent que les réseaux anglais de Normandie, entre-autres, subirent de sérieuses pertes, ce qui motiva la décision décrite çi-dessus. Non contente de soutenir ainsi l'emprise nazi elle n'hésita jamais à mettre la main à la pâte ; les séances de tortures ne la rebutaient pas et les coups tombaient drus sur les suspects....

Le plus intéréssant qu'aurait pu développer l'auteur (Raymond Ruffin) est à peine abordé : à savoir qu'est-ce qui a pu motiver une grande sportive française, adulée par le public, à priori apolitique, à perdre son âme dans la collaboration avec les nazis ? Est-ce cette idéologie du sport (opposée aux verbiages intellectualistes stipendiés par des gens comme Drieu ou Montherlant ) ? Est-ce le mépris affirmé de Violette Morris pour " l'establishment" qu'il soit sportif ou politique ? Et comment en vient-on à participer à des séances de tortures , donnant soi-même des coups ?
J'aurais aimé que l'auteur creuse un peu plus le cerveau de "La Morris", mais l'on voit bien à la lecture du livre qu'il a privilégié l'événementiel et la "petite histoire". Choix que l'on peut tout à fait respecter.
Pour en finir avec cette figure "monstrueuse" de l'histoire, j'ai vraiment été stupéfait de lire sous la plume de R. Ruffin, que Violette Morris fumait jusqu'à trois paquets de cigarettes par jour....! ce qui ne l'a pas empêchée , jusqu'à sa mort ,de conserver une forme olympique ! c'était vraiment un monstre....

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