[Histoire de Lisey | Stephen King, Nadine Gassie (Traducteur)]
Cela fait deux ans que Scott Landon, écrivain célèbre, est mort. Sa veuve, Lisey, se décide enfin à mettre de l'ordre dans le bureau de son défunt mari.
Se doute-t-elle qu'en s'attelant à cette tâche, elle s'engage dans une épreuve extrêmement douloureuse et dangereuse, et qu'elle va devoir exhumer de sa mémoire des souvenirs qu'elle a jusqu'à présent préféré garder enfouis au plus profond d'elle-même ?
C'est sur le chemin de ces souvenirs que nous accompagnons Lisey. Le couple qu'elle formait avec Scott pouvait par bien des aspects être qualifié d'"idéal" : ils éprouvaient l'un pour l'autre un amour et une confiance indéfectibles, et parlaient même un langage qui leur était propre, auquel l'écrivain avait initié sa femme, composé de jeux de mots, de termes inventés, qui souvent la faisaient rire. Mais elle savait aussi que la volubilité -orale et littéraire- de son mari camouflait une part ô combien obscure de lui-même, Lisey et l'écriture représentant quant à elles la part de lumière de son existence.
C'est à une incursion sur la frontière qui sépare la raison de la folie que nous invite Stephen King, explorant à la fois les mécanismes qui font basculer dans la démence et ceux que l'esprit met en oeuvre pour résister à ses démons, en les maintenant dans le déni, ou en les exorcisant par l'écriture, par exemple. Tout cela en jouant avec nos nerfs, ainsi qu'il sait si bien le faire, en instillant en nous le sourd pressentiment que le pire est toujours à deux doigts de se produire, et en nous interpellant sur nos propres frayeurs, celles, irraisonnées mais incontrôlables, qui sont issues de l'enfance (la peur du noir, ou des monstres...). Et ce qui fait véritablement froid dans le dos, et que l'on retrouve dans nombre de ses romans, c'est que l'auteur parvient -presque ?- à nous persuader que l'horreur est autant à l'intérieur de nous, que le fait d'une cause extérieure. Oui, car bien que Stephen King, dans "Histoire de Lisey", rende visible la face obscure de l'esprit, en la matérialisant sous la forme d'un monde et de créatures imaginaires, je n'ai pu m'empêcher de penser qu'il s'agissait là d'une parabole lui permettant de décrire le puits insondables des dérèglements de l'inconscient. Un puits qui, s'il est le réservoir de notre monstruosité, peut aussi se révéler être celui de notre créativité et de l'expression de nos plus chers désirs.
Il y a bien longtemps que je n'avais pas lu de roman du "maître de l'horreur", et il m'a époustoufflée. Il déploie dans ce récit une inventivité incroyable et une très grande maîtrise de l'intensité dramatique. Je me suis attachée à la courageuse Lisey et à son malheureux mari d'autant plus facilement qu'en dépit de l'aspect tragique de leur histoire, ils font preuve d'une générosité et d'une affection l'un envers l'autre très émouvantes.
Nard ! Fin !
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