Sans aucun doute le meilleur livre de Jacques Ellul que j'aie lu jusqu'ici. Déjà que j'apprécie son oeuvre...
Il aborde ici la sécularisation de la société contemporaine (heu... livre écrit en 1973!) et l'attaque en bonne et due forme contre la grosse religion chrétienne, ainsi que la nécessité de se débarasser du "fatras" religieux chrétien.
Puis il démontre comment ce processus, mis en oeuvre grâce à la science et à la technique, a finalement débouché sur une société encore plus religieuse (mais non, cela ne peut être, puisque nous sommes dans une société laïque... ah!ah!ah! et si la la¨cité était le nouvel avatar religieux de notre temps?). Il démontre en quoi les sociétés basées sur l'avènement politique sont des sociétés religieuses, avec leurs messies, avec leurs dieux, avec leurs rituels sacrés... Il montre la face religieuse du nazisme et du communisme, du libéralisme et du gaullisme... et démontre par là que tous nous sommes actifs dans cette grande société ultra-religieuse, qui prend des airs scientifiques. D'ailleurs notre confiance aveugle en la science ne dévoile-t-elle pas l'existence d'une mythologie de la science (nous faisons confiance au Dieu science, et s'il se trompe - ce qui, de fait, est souvent le cas, puisque l'erreur elle-même permet d'avancer dans la démarche scientifique - tant pis, nous nierons que la science puisse se tromper...)
Au final, Ellul plaide pour que l'homme regarde le monde dans une désacralisation totale, afin d'être vraiment libre.
Ce livre est un plaidoyer pour qu'on sorte ensemble de nos illusions de libertés et d'indépendance. Pour que nous puissions voir la société telle qu'elle est, sans tomber dans les mécanismes de la propagande et du monde religieux d'aujourd'hui : société technicienne, politique et sacralisante.
"Ceci ne peut que s'accompagner du travail de désacralisation, de sécularisation contre les dieux du monde présent. Vouloir que les objets techniques ne soient que des objets, ramenés à leur utilité, mesurés avec un oeil froid, et méprisés pour leur usage toujours vil - et qu'ils ne donnent en rien le sens de la vie. Vouloir que la technique ne soit qu'un ensemble de moyens, qui doivent être passés au laminoir de la vérité, procédés utilitaires, bien sûr intéressants, mais qui n'enrichissent pas la vie, qui ne permettent aucun essor spirituel, et qui ne caractérisent en rien l'homme. Vouloir que la science soit une représentation parmi d'autres possibles du monde dans lequel nous vivons et qu'elle ne donne jamais la clé de la vérité. Vouloir que l'Etat soit si rigoureusement laïque et sécularisé, par conséquent de n'accepter aucune idéologie politique, promue par lui, ni gaulliste, ni communiste, ni démocratique. Le considérer comme une utile gestionnaire, bien entendu acceptable comme administrateur mais "ne sutor ultra crepidam". Nous récusons qu'il soit que quelque façon un objet d'adoration, de confiance, d'espérance, c'est-à-dire que nous récusons la structure de l'Etat-nation et le rôle de l'Etat-providence. Vouloir que l'histoire soit un intéressant roman de l'aventure humaine, et rien de plus, rien de plus, non pas l'immense déesse qui nous permet de vivre... Nous devons donc être des iconoclastes..."
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