Quel livre intelligent et bien écrit, allègre et bien documenté ! Pourquoi un tel joyau de la littérature naturaliste passe-t-il inaperçu en dépit de critiques élogieuses et avisées ? Sans cesse, le regard de Jacques A. Bertrand est aiguisé quand sa plume ailée gratte, caresse et chatouille, attriste, fait sourire et touche. Son bestiaire commun est extraordinaire. Il part de l’araignée pour aboutir à l’homme. Entre-temps,
Les sales bêtes effleurent, sur deux pages, une multitude d’animaux, l’ours, la fourmi, la hyène, le pou, le rat, le moustique, la blatte, le microbe. La liste n’est pas exhaustive. Malgré le mélange des espèces, elles ont toutes en commun de déclencher des mouvements de rejet chez l’homo sapiens. Il est difficile d’extraire une phrase tant tout se tient et se répond. Essayons quand même ! La première phrase du recueil concerne l’araignée :
« L’araignée est un être exquis. Et très ancien. […] En plein air, elle travaille au crochet, patiemment, de superbes filets qui, les jours de pluie, prennent des airs de rivières de diamants ». Ensuite, la reproduction des arachnides est un morceau d’anthologie digne des meilleurs vaudevilles à seize pattes qui se conclut sur une débâcle napoléonienne. L'humour délicat de l'auteur pourrait passer à tort pour de l’ironie alors qu'il pointe plus sûrement vers une insondable mélancolie qu'aiguisent toutes ces richesses naturelles qui partent à vau l'eau. Jacques Bertrand ne s’appesantit jamais. Il délivre ses connaissances animalières sur un ton faussement sentencieux et un fond vraiment scientifique. La « sale bête » est perçue selon ses caractéristiques et ses connivences avec l’homme. Même en jouant avec les mots, l’auteur est pris au sérieux par le lecteur quand il montre un animal parfois sous un angle curieusement humain :
« Le rat raffole des caresses. Il se met sur le dos et attend les guili-guili en émettant des ultrasons qui – traduits en sons audibles – ressemblent étrangement au rire humain…. ». Des phrases ramassées et bien senties jouent admirablement sur l’ambivalence entre la bête et l’homme :
« Le requin habille l’homme. » Ce livre est une découverte et un vrai bonheur.
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