Je n'attendais pas beaucoup de ce livre, dont j'avais entendu de mauvaises critiques. En réalité, il m'a surprise : ni pathos insupportable (malgré l'avertissement du dénouement), ni égocentrisme de l'intellectuel, ni élucubrations philosophiques trop fines pour de gros nez...
Le sujet du livre, c'est bien D. (Dorine, pourtant nommée dans le récit) ; quand André Gorz fait mine de s'éloigner de son sujet, en parlant de ses travaux, de l'évolution de sa carrière, d'un livre, c'est toujours parce que cela part de sa compagne ou que cela y revient. Chaque étape collabore à la contruction de 'l'histoire d'un amour" comme l'amour a collaboré à l'oeuvre et au parcours de Gorz. En réalité, l'auteur finit par nous faire penser qu'il aurait été incapable de faire cela sans sa compagne, que la construction de sa vie, alors même que parfois son oeuvre a semblé s'écrire en marge de sa vie privée, en était tissée en profondeur.
Il fait également son mea culpa de l'avoir présentée dans certains de ses livres, comme
Le Traître, de manière mensongère. Pour avoir entendu Dorine, la voix brisée,
sur France Culture, parler du mal que lui avaient fait certains écrits ou l'attitude parfois distante de son mari, j'ai compris que cette mise au point était également le règlement d'une dette.
Peut-être, pour faire dans l'extrapolation dangereuse, et peut-être, de mauvais goût, D. est-elle le récit d'une D-pendance telle qu'une vie solitaire ne peut plus être envisageable.
Et, en passant, Gorz griffe violemment la technomédecine qui a fait de la vie de sa femme un long martyre (danger du lipiodol) et le danger de la méga-machine à broyer qu'est le dogme de la croissance.
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