Bonjour Swann,
je suis d'accord avec toi (et avec Semprun !) quant à la restitution des émotions. Je peux néanmoins penser à plusieurs cas où la matière première brute, non "littérarisée", si tant est qu'on puisse jamais l'exprimer en ces termes, possède une valeur en soi, que toute transformation esthétisante viendrait amoindrir. Il m'est d'ailleurs arrivé de traduire un livre où un tel choix devait être effectué, aussi bien en termes de traduction que (surtout) de "editing" ; je l'ai laissé intact, au prix d'une difficulté énormément accrue à le faire publier en l'état (en réalité il est encore "en instance"...), mais conforté par plusieurs critiques positives de la part de spécialistes que j'estime. Ce choix est aussi à mon propre détriment, car 90% des lecteurs le trouveront mal traduit (comme l'on préfère penser plutôt que mal écrit)... alors qu'il faut être plus érudit pour comprendre qu'il n'est ni l'un ni l'autre !
Le rôle de l'éditeur, dans ces cas, serait de souligner la nature de témoignage, de document du texte, et de surtout ne pas le faire passer pour un ouvrage littéraire, quitte à vendre moins : cela peut se faire facilement par le paratexte.
J'ai beaucoup plus de réserves sur tes déceptions quant au déroulement de la trame, c-à-d. sur le caractère de la narratrice, sa faiblesse, la question de la manipulation. Là, je pense qu'un élément projectif du lecteur intervient, qu'il est bien de regarder avec circonspection...
Mais au-delà de toutes ces considérations un peu savantes, il faut garder à l'esprit que l'être humain est souvent paresseux et avide : qu'il s'agisse d'un auteur ou d'un éditeur, il recherche le résultat maximum au moindre effort, n'est-ce pas ?