Voici un recueil d'une maison d'édition confidentielle, d'une autrice dont je n'avais pas encore entendu parler, et que le Baccalauréat met à l'honneur avec le parcours "la poésie, la nature, l'intime"... qui m'a induite en erreur pendant ma lecture.
En réalité, seuls les premiers poèmes, y correspondent assez. Très beaux poèmes dont j'ignorais un peu quoi faire entre l'évident lien avec Bonnefoy et Jaccottet... en me disant que j'étais un peu lasse de cette poésie contemporaine à l'ambiance philosophique, socratique, pré-socratique, remplie de mots-concepts qui servent de métaphores,
une parole échouant
au milieu de ce que l'on cherchait
l'eau l'or le sel le feu le bois
l'eau le bois le feu l'or
le sel l'eau le sel
l'or l'eau le bois
le sel le feu
qui chante l'allégorie poétique sous de multiples avatars, à qui cela sert de profondeur toute trouvée ("
à l'intérieur du poème / la forêt rêve-t-elle " in "L'Aile")... Dans l'entretien placé à la fin du recueil, qu'Hélène Dorion eut avec Muriel Szac, j'ai trouvé : "[L'arbre] est aussi la métaphore parfaite de l'écriture : il y a tout ce qui est en contact avec l'extérieur, tout ce qui est en mouvement à l'intérieur de nous et cette immobilité qui permet le jaillissement de la phrase." Cela va dans le sens de cet héritage.
Puis les poèmes s'épaissirent à mes yeux, plus d'accidents, d'immanence, d'allusions au monde tel qu'il est, dans la section "Le bruissement du temps", par exemple... Dorion prend ses distances avec mes références, ce qui m'a beaucoup plu. Le poème "Avant la nuit" est un récit de vie mais il revient avec le thème constant du poème-forêt. Elle explore le thème de la famille, celui de la spoliation. Bruno Doucey cite (et je reprends sa citation) : "
on a piétiné la terre des uns / volé celle des autres / on a arraché des enfants à leur famille / on leur a inculqué nos croyances " (Poème "Avant l'horizon" où la forêt reçoit l'histoire de l'humanité "La terre a commencé à recueillir nos histoires").
Citation :
(...) [i]On dirait une silhouette mystérieuse
où glissent des rivières
et s'élancent les rêves
puis le jour recommence
l'arbre jette l'ancre
dans le jardin de tes pas
il tend les cordes de l'univers où les âmes jamais ne fanent
aux confins du silence
le ciel brûle
- arbre de grâce et de beauté
arbre de solitude et de questions -
les branches qu'il recueille
s'inclinent comme des archets
tu écoutes le chant des racines
tu deviens la sève
un filet de clarté
qui traverse le tronc
c'est le temps dis-tu
cette fenêtre opaque
qui raconte le voyage
un poème avance sur la tige [i] (...) in "L'Onde du chaos"
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