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[Paternités imposées | Mary Plard]
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apo



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Posté: Ven 12 Avr 2024 23:42
MessageSujet du message: [Paternités imposées | Mary Plard]
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Il est notoire que, depuis l'abolition de la notion de « puissance paternelle » en 1970, les droits et devoirs parentaux sont considérés en jurisprudence uniquement à l'aune de l'intérêt de l'enfant. Ainsi l'attribution d'un père biologique, désormais incontestable par les tests ADN, correspond au droit de l'enfant à être pris en charge par son père, indépendamment de la volonté de ce dernier. Or si la mère jouit à présent d'un droit inaliénable à décider de sa maternité, par la contraception, le droit à l'IVG ainsi que celui à l'accouchement sous X, il manque totalement au père un droit analogue et symétrique par rapport à sa paternité. J'ai appris – en-dehors de ce livre, ce qui me semble une fâcheuse lacune de celui-ci – que la paternité peut être imposée sous forme contentieuse en France de deux façons : 1. par l'action en recherche de paternité entreprise par la mère jusqu'à la dixième année de l'enfant mineur, ou par l'enfant majeur jusqu'à ses 28 ans, action qui entraîne la demande d'un juge de soumettre le père désigné à un test génétique ; ou 2. par l'action aux fins de subsides, qui peut être intentée par la mère afin d'obtenir l'aide financière du prétendu père, même sans le soumettre au test génétique, la charge de la preuve de non-paternité étant dans ce cas inversée, mais l'accord de subsides étant constitutif de certains droits (hormis successoraux). Il est évident que cette dissymétrie est fortement préjudiciable aux hommes, au point que la liberté sexuelle conquise de haute lutte par les femmes à une époque encore relativement récente, n'a plus son équivalent pour les hommes, dès lors qu'une mère veut imposer la paternité, notamment à des fins vénales, à un homme qui la refuse et tente de s'y soustraire.
Ce livre est le témoignage d'une avocate dont le parcours personnel et professionnel a été placé sous les enseignes du militantisme féministe, d'une lutte acharnée pour se faire une place en tant que femme et mère dans un milieu très sexiste. Ainsi, il illustre principalement les états d'âme de l'autrice qui prend le parti de défendre des hommes, quinquagénaires, par ailleurs très majoritairement adultères, socialement et sexuellement dominants, moralement blâmés et traités d'« irresponsables », ou tout au moins « désinvoltes » dans leur sexualité extraconjugale – en bref, de ceux qui n'ont pas songé que « les préservatifs, ce n'est pas que pour les ados ! » (p. 45) – contre des femmes qui les désignent comme pères contre leur gré d'enfants qu'elles décident de garder et d'élever sans eux.
Les récits des rencontres entre la professionnelle et six hommes, « pères malgré eux » - Paul, Georges, John, Moshé, Didier et Bertrand –, leurs histoires (sexuelles), et les lignes de défense dont aucune n'a été couronnée de succès (soit dit en passant), révèlent une très grande résistance de la jurisprudence à simplement entendre ces hommes sur lesquels pèse, comme jadis sur les femmes, le stigmate du jugement moral, et celui de leur propre honte, surtout la honte de s'être fait piéger. Par-delà des histoires différentes tout en étant banales, à travers lesquelles on lit en filigrane des personnalités féminines très dissemblables, certaines carrément abjectes par leur intolérable opportunisme et cupidité – en particulier lorsque l'allégation de la paternité s'avère être frauduleuse et que pourtant elles ont gain de cause grâce à des vices de procédure... – ; par-delà également le cheminement de la réflexion et des questionnements éthiques et juridiques de l'avocate, il émerge la grande détresse, la vulnérabilité même de ces hommes, lesquelles, à l'évidence motivent l'ancienne militante féministe à se ranger de leur côté : elle y repère l'écho des mêmes sentiments chez les femmes lorsqu'elles sont victimes du sexisme, et en même temps, de façon plus ou moins consciente, elle prône sans doute une véritable égalité entre les sexes, une réelle liberté de la sexualité de tous, une forme de consentement plein et substantiel (dépassant l'instant du rapport pour englober le projet parental), qui présuppose une dose d'équité sans revanche ni domination qui n'est probablement pas encore à la portée de la forme actuelle d'organisation des relations entre les genres. Concrètement, elle préconise un début de réflexion sur une « paternité sous X », analogue à l'accouchement sous X.
À la fin de la lecture, néanmoins, je me demande si ce cheminement purement juridique, ces préconisations au législateur et surtout à la jurisprudence ne pâtissent pas d'une certaine déconnexion avec une réalité où le refus de la paternité, tout à fait avéré et majoritaire, est encore bien différent, car les femmes, qui en demeurent les principales victimes, n'ont pas les ressources matérielles et culturelles pour faire valoir leurs droits (contrairement aux 6 cas exposés) ni les hommes n'ont assez de ressources matérielles pour que les actions d'imposition de la paternité « vaillent la peine » d'être intentées. En d'autres termes, les déterminants sociologiques rendent les problématiques soulevées par cet ouvrage bien-fondées mais assez marginales, me semble-t-il.



Cit. :


1. « En écoutant Georges et en le sentant si fragile derrière sa belle assurance, je retrouvais les émotions qui avaient été les miennes lorsque la loi sur l'avortement peinait encore à se mettre en place. J'étais jeune avocat, jeune mère, jeune militante. J'avais accompagné à l'hôpital une cliente qui devait avorter. Elle se sentait influençable et redoutait l'entretien avec le psychologue, susceptible de la faire changer d'avis. […]
Georges d'un côté, cette jeune cliente de l'autre : à vingt-cinq ans d'intervalle, les mêmes tourments, la même détresse face à une vie qui vient d'eux et qui veut s'implanter dans la leur, mais que ni l'un ni l'autre, à ce moment-là, n'est en mesure d'assumer. Les raisons de cette défaillance importent peu. La question, c'est celle du choix, de la responsabilité que l'homme ou la femme est capable ou non de porter à cette période de son existence. Qu'elle soit masculine ou féminine n'avait aucune importance. » (p. 84)

2. « […] "Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer."
Georges était 'autrui', Sandra était 'l'homme' par lequel le dommage était arrivé. Mais quel était le dommage ? Ce n'était évidemment pas la naissance de la petite Mina, qui n'avait rien demandé ; c'était le cataclysme que son arrivée imposée avait provoqué dans la vie de Georges. Le rôle de l'avocat était d'exprimer ces "événements" en termes cliniques et juridiques.
J'étais en possession de tous les épisodes de l'histoire de Georges et de Sandra ; je devais désormais en tirer quelques paragraphes qui judiciariseraient la faute de la seconde et le dommage subi par le premier. La justice pourrait alors se mettre en mouvement. Elle aurait à dire si le comportement de Sandra, ses manœuvres séductrices destinées à tromper Georges sur la réalité de ses intentions étaient constitutifs d'une faute, et si cette faute avait causé un dommage qui justifiait qu'elle soit condamnée à le réparer. » (pp. 102-103)

3. « Un rapport de l'INSEE de 2006 indique que 6 enfants nés de parents non mariés sur 10 sont reconnus par leurs deux parents avant ou à la naissance, et qu'une filiation paternelle est établie dans 8 cas sur 10. Les enfants le moins souvent reconnus par leur père sont ceux dont la mère n'a pas d'activité professionnelle et est âgée de moins de 20 ans ou de plus de 35 ans. Les reconnaissances par la mère seule sont en recul et ne concernent que 7% des enfants nés hors mariage. […] Le milieu social a également un impact sur le moment de la reconnaissance : les enfants de mère cadre ou profession intermédiaire sont plus souvent reconnus avant de naître. » (p. 160)

4. « Ces portraits d'hommes dont la paternité est entachée d'un "vice du consentement" invitent à mener une réflexion au-delà du simple énoncé du problème. J'en reviens à la loi, […] qui dit la morale et le droit.
Les lois de bioéthique de 1994, 2004 et 2011 sont porteuses d'une présence de l'homme en tant que membre du couple parental avec la mère, mais aussi en tant que géniteur et père. Son avis et son accord sont pris en considération en cas de recherches sur l'embryon ou d'interventions susceptibles d'avoir un effet sur la poursuite de la grossesse. L'article L 2213-1 du Code de la santé publique prévoit ainsi la possibilité pour le 'couple' d'être entendu par l'équipe pluridisciplinaire chargée d'examiner la demande d'avortement thérapeutique.
Cette disposition passée largement inaperçue est un grand pas pour la paternité. Reconnaître au "géniteur" la possibilité de donner son avis, et donc d'être entendu et écouté au sujet de la poursuite ou de l'interruption de la grossesse de la mère, c'est déjà reconnaître l'existence d'un statut prénatal, prépaternel. » (pp. 200-201)

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