Aller au TAAF.
Les TAAF, cet acronyme administratif bien connu des philatélistes, frappent l’imaginaire des happy few comme une gifle de vent vivifiante. L’archipel Kerguelen se situe à 3 400 km au sud de la Réunion, à seulement 1 950 km des côtes antarctiques et constitue un des cinq districts des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). La Grande Terre, avec ses 150 km dans sa plus longue étendue devient partie prenante d’un rêve de traversée pédestre longuement porté par François Garde qui se concrétise en 2015, durant trois semaines. L’expédition en autonomie avec dépôt de vivre sur le parcours est constituée par François Garde, écrivain, ancien administrateur des TAAF, Michaël Charavin, guide, Bertrand Lesort, photographe, Frédéric Champly, médecin. Le récit de cette pérégrination humide et ventée paraît en 2018 aux éditions Gallimard. Une nouvelle édition enrichie de photographies en couleur voit le jour en 2020. Loin d’être anecdotiques ou illustratives, les photographies révèlent des paysages premiers, un regard différent et dessinent un parcours croisé, nourrissant la relation de voyage écrite par François Garde. Parfois on aimerait avoir le point de vue des autres membres de l’équipe quand ils cherchent des voies de passage, tergiversent, doutent, lorsqu’ils s’effraient, s’enthousiasment. On sent que la cohésion, la fraternité et la présence les uns aux autres conditionnent la réussite du projet. Des liens humains forts s’instaurent le temps de la traversée dans un milieu inhospitalier. De rares embellies transfigurent parfois le paysage comme pour mieux exercer une flagellation mentale dès que l’archipel sombre à nouveau dans la tourmente et les cieux déprimés. Avec un portage de vingt-cinq kilos, des marches interminables sur des terrains instables, des passages improbables qu’il faut dénicher in situ, une météorologie démente, des vents hurleurs, des pluies continues, des franchissements de rivières glaciales, la nécessité de franchir les obstacles à mesure qu’ils se présentent, de marcher hors de tout cheminement préexistant, tout concourt à saper les forces humaines et pourtant François Garde jubile, s’émerveille et ne cèderait jamais sa place. Il se met à nu, ne cache rien, expose sa fragilité et impose sa volonté malgré les doutes et les errements. Les jours défilent. Les obstacles se franchissent et la peur de l’échec s’estompe à mesure de l’avancée de l’expédition. En donnant à voir et à sentir la rude réalité des Kerguelen, le journal de marche entraîne le lecteur vers une dérive heureuse puisque enfin, ces terres désolées qui ont dû effrayer Yves Joseph de Kerguelen de Trémarec quand en février 1772, il dépêcha son enseigne pour débarquer à sa place, cet archipel devient enfin accessible le temps d’une traversée pédestre fugace. A la fin du récit, il est alors loisible, pour le lecteur amoureux par procuration de tels endroits, à l’instar de François Garde, de prendre congé des lieux.
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