[L'Hypnotisme - techniques et possibilités | André-Henri Argaz]

Pour la première fois, je trouve en cet ouvrage sur l'hypnose, qui m'a été recommandé par un professionnel, un manuel destiné aux hypnotiseurs débutants qui inclut les aspects les plus « étranges », pour ne pas dire ésotériques, habituellement tus, contestés ou refoulés par l'hypnothérapie scientifique. Sa parution dans la collection « Frontières de l'étrange » d'une petite maison d'édition confidentielle, comme réédition d'un ouvrage publié par un éditeur genevois encore plus inconnu (1978), n'y est pas pour rien. Dès lors, les protestations de l'auteur (dans la Préface, la 4e de couverture et passim) que la matière traitée est une véritable science prise à tort pour magie et charlatanisme, doivent être crues par un acte de foi... Heureusement que ceci n'est pas ma première lecture sur le sujet !
Cela dit, ce livre possède les points forts suivants :
- il est très lisible, bien structuré, très didactique ;
- sa Première Partie, « Histoire et théorie de l'hypnotisme », dans son volet historique, est la plus complète que j'ai lu jusqu'à présent ;
- ses Parties deux et trois, « Préparation et entraînement à l'hypnotisme » et « Expériences d'hypnotisme léger », sont conçues avec toute l'application d'un enseignant qui accompagne patiemment son élève, pas à pas, avec une foison de conseils pratiques, d'exemples, de précautions...
- sa Quatrième partie, « Les phénomènes hypnotiques exceptionnels » se consacre au « sommeil hypnotique » réservé aux hypnotiseurs les plus expérimentés, tel un objectif à atteindre pour les néophytes, selon des méthodes de spécialistes présentés nommément. Elle se termine par un ch. III, « Les pouvoirs fantastiques de l'hypnose » qui contient tous les exemples inexplicables, « paranormaux », que l'auteur, avec sa suspension de jugement habituelle, se limite à juger d'« extrêmement rares », relevant d'expériences exceptionnelles que « avouons-le franchement, nul ne peut prétendre avoir maîtrisé[es] » (p. 207) : en bref, insuffisamment documentés pour accéder à la reproductibilité scientifique. En esquivant ce chapitre, le lecteur a donc entre les mains un manuel presque traditionnel.

Pourtant, un a priori méthodologique est pour le moins insolite : d'emblée l'auteur regroupe les techniques et procédés sous quatre rubriques, qui correspondent grosso modo aux quatre courants historiques modernes de l'hypnose :
« 1) le magnétisme ou action "fluidique" des corps les uns sur les autres ;
2) l'hypnotisme sensoriel qui fait appel à l'usage d'instruments capables d'agir sur tel ou tel organe des sens ;
3) la suggestion ou méthode d'influence fondée sur l'accentuation d'une idée, d'une impression particulière, suggérée ;
4) la télépsychie ou influence mentale à distance. » (p. 15)
On retrouve donc la correspondance respectivement avec : Mesmer, Braid, l'Ecole de Nancy (contemporaine et rivale de Charcot), et, pour la 4e... des travaux très expérimentaux associés surtout à un Dr. P.C. Jagot, très souvent cité. [À noter et déplorer que ce livre ne comporte ni notes de bas de page ou finales, ni bibliographie...].
Alors que la grande majorité de la littérature scientifique conteste le terme même de magnétisme de Mesmer, et encore plus son « fluide » jamais démontré, Argaz s'approprie le concept sans état d'âme, sans hiérarchie de mérite et d'utilité entre le passé, le présent, voire... l'expérimentation, la très expérimentale « télépsychie » !
D'ailleurs ces mêmes techniques et procédés sont repris un à un dans la Partie Deux, afin d'être développés par le néophyte, dans le même ordre qui correspond à une progression de difficulté.
De même, les Expériences : « d'hypnotisme léger » - Troisième partie ; de « sommeil hypnotique » - Quatrième partie chap. I ; et d'« états d'hypnose profonde » - Ibid., chap. II, en excluant donc le dernier chap. « fantastique », sont présentées comme un cursus progressif en termes de difficulté et d'expérience requise, mais idéalement à parcourir dans son intégralité.

En conclusion, il est évident que la théorisation (critique), reconnue comme étant désormais nécessaire dans les cursus universitaires sur l'hypnothérapie en France, ainsi que les efforts de séparation du scientifique du spectaculaire et enfin les réflexions sur l'utilité psycho-thérapeutique ou simplement médicale de la discipline sont trois soucis absents de ce livre. Par contre, l'accompagnement pratique de l'élève dans ses premières expérience, son émerveillement devant ce phénomène multiforme aux vastes possibilités et aussi son acculturation et inscription historique dans la tradition la plus étendue, sans complexes, étaient, en 1978, les préoccupations de l'auteur.


Cit. :

« Ce même auteur [Jagot] a dégagé, au terme d'un demi-siècle de recherches, cinq lois fondamentales qui, selon lui, régissent la magnétisme personnel :
1. L'ardeur, l'activité de la vie psychique détermine l'intensité du magnétisme personnel.
2. La lucidité, l'objectivité, la précision avec lesquelles l'activité de la vie psychique est dirigée déterminent la conformité des effets d'influence personnelle aux intentions de l'intéressé.
3. De la fermeté du caractère dépend le degré d'ascendant qu'exerce sur autrui l'irradiation individuelle.
4. Selon sa subtilité, sa qualité, son degré d'élévation, la pensée, agent fondamental du magnétisme personnel, attire vers l'émetteur des individualités analogues à lui-même et animées à son égard de dispositions identiques aux siennes.
5. Par le truchement de cette invisible influence, toute avidité ou aspiration aimante son objet ; toute aversion tend à faire cesser ou à écarter ce qui l'inspire.
C'est donc le désir, ou avidité, selon le mot de Jagot, qui est le plus puissant support de la volonté. » (pp. 86-87)

« Alors qu'aux hautes périodes (ancienne Égypte, Grèce et même Moyen Âge) la divination et la prévision de l'avenir étaient couramment pratiquées, les somnambules modernes semblent moins enclins – ou peut-être sont-ils moins bien préparés ? – à voyager à travers le temps. Tout se passe au contraire, à en croire plusieurs témoignages, comme si les somnambules confondaient passé, présent et avenir : c'est, à nos yeux, la preuve évidente d'une mauvaise préparation. » (p. 230)

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