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[LE LANGAGE DU CHANGEMENT. Eléments de communication thé...]
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Posté: Lun 20 Avr 2020 20:15
MessageSujet du message: [LE LANGAGE DU CHANGEMENT. Eléments de communication thé...]
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[LE LANGAGE DU CHANGEMENT. Eléments de communication thérapeutique | Paul Watzlawick]

En cherchant dans les neurosciences un fondement de l'hypnothérapie, j'aurais dû me pencher plus tôt sur les chercheurs de l’École de Palo Alto, lesquels, il y a déjà plus de 50 ans, ont centré leur réflexion sur une conception particulière de la communication thérapeutique. Cet essai déroule, de façon succincte, extrêmement claire et abordable, rigoureuse et parfaitement structurée, les caractéristiques de ce langage capable de produire la guérison, sous forme de changement psychique et comportemental. Il s'agit bien d'un langage, le postulat de la psychothérapie étant posé que « Similia similibus curantur » (qu'il faille soigner le dysfonctionnement psychique issu du verbal par le même verbal), mais pas du tout du langage de l'analyse, un langage « digital », rationnel, logique, syntactique, cherchant les causes, mais au contraire un langage « analogique », symbolique, onirique, court-circuitant le précédent afin de produire le changement.

Après un Précis, qui rappelle les rapports historiques entre la rhétorique et la philosophie, le Chap. II « Nos deux langages », décrit précisément ce double, s'appuyant un peu sur la linguistique, un peu sur l'épistémologie des sciences dures, et évoquant en passant la métaphore du fossé qui sépare, en religion, l'orthodoxie du mysticisme.
Mais il se trouve que ces deux langages possèdent une justification neuroscientifique dans la diversité de fonctionnement de nos deux hémisphères cérébraux : cette assertion constitue l'objet des Chap. III « Nos deux cerveaux » et IV « Preuves expérimentales ». Par cet exposé, les fonctions et fonctionnements respectifs des deux hémisphères, notamment concernant le langage, ainsi que quelques aperçus sur les pathologies émanant de leur défaut de communication (notamment la schizophrénie) expliquent les processus fondamentaux de l'esprit de façon plus satisfaisante que les hypothèses traditionnelles. Sur la difficulté de passer d'un « langage hémisphérique » à l'autre, une belle cit. de David Galin est reportée (p.42 et passim) :
« Par exemple, s'il est malaisé d'exprimer par les mots les sensations provoquées par un concert symphonique [par l'hémisphère gauche], il est tout aussi difficile de rendre en images le concept "la démocratie exige l'information des participants" [par l'hémisphère droit] ».

Très timidement, le Chap. IV se clôt par une remise en question de la distinction fondamentale entre conscient et inconscient :
« La théorie des hémisphères cérébraux nous place devant l'éventualité de devoir peut-être modifier la distinction conceptuelle établie entre processus conscients et inconscients (et avec elle l'ensemble des conséquences diverses pour notre compréhension de la psychopathologie et de la psychothérapie). Nous devons conclure que nous disposons de deux cerveaux conscients qui dans des conditions idéales sont capables d'intégration harmonieuse et complémentaire afin d'appréhender et de maîtriser la réalité interne et externe, mais qui, en cas de conflit, peuvent se trouver dans l'incapacité de communiquer entre eux, faute d'un langage commun. » (pp. 45-46)

Le psychisme opère non sur un prétendu réel mais sur des images du monde ; le sujet souffre de ces images ; le but de sa thérapie sera donc d'en produire le changement. (Chap. V : « Les images du monde »). Or :
« Traduire la réalité perçue, synthétiser ainsi en une image notre expérience du monde est sans doute la fonction de l'hémisphère droit.
[…]
Mais s'il en est ainsi, il nous faut bien admettre du même coup le caractère inapproprié d'un procédé qui consiste essentiellement à traduire ce langage analogique dans le langage digital de l'explication, de l'argumentation, de l'analyse, de la confrontation, de l'interprétation, et ainsi de suite, et qui, par le biais de cette traduction, perpétue l'erreur qui est en première instance à l'origine de la demande d'aide du patient, au lieu d'apprendre le langage de l'hémisphère droit du patient, et de s'en servir comme de la voie royale qui mène au changement thérapeutique.
En ce qui concerne la technique, on dénombre trois démarches qui peuvent se présenter à des degrés divers et dans des combinaisons variées au cours de la pratique psycho-thérapeutique :
1. l'emploi des structures linguistiques de l'hémisphère droit ;
2. le blocage de l'hémisphère gauche ;
3. la prescription de comportements spécifiques. » (pp. 52-54)

Les chap. suivants développent, dans l'ordre énoncé, chacune de ces trois démarches. Aussi, parmi les « structures linguistiques de l'hémisphère droit » (Chap. VI), compte-t-on : les « condensations », qui sont différents types de calembours et d'associations sémantiques par assonance, le « langage figuratif », la « pars pro toto », le chiasme, les ambiguïtés et sous-entendus. Dans ce chap., l'auteur commence aussi à évoquer certains cas traités par Milton Erickson, par ex. celui d'une patiente atteinte de frigidité à laquelle il demanda, sous hypnose, de décrire dans les moindre détails comment elle s'y prendrait pour dégivrer son réfrigérateur.
« […] Cette intervention constitue essentiellement un rêve "à l'envers" : le discours d'Erickson pourrait fort bien être un récit onirique de la patiente, où le langage figuratif servirait à camoufler le matériau inacceptable par l'inconscient et à tourner ainsi la censure exercée par l'hémisphère gauche. Il existe [cependant] une différence de taille : le rêve est généralement l'expression passive d'un conflit intérieur, alors que l'emploi du langage onirique chez Erickson représente une intervention active. » (p. 69)

Chap. VII, « Le blocage de l'hémisphère gauche ». Il est avancé ici que l'accès à l'hémisphère droit requiert cette action sur le gauche, qui se produit par ailleurs spontanément dans les cas des périls pour la vie. Sont mentionnées dans ce chap. certaines techniques qu'Erickson utilisait sous hypnose : l'auteur s'empresse de répéter, chaque fois, qu'elles peuvent « fonctionner » même en veille ordinaire, mais cette affirmation n'est ni démontrée ni apte à me dissuader que l'hypnose en soit au moins une condition facilitatrice sinon indispensable. Parmi ces techniques rappelons : la « confusion », le « saupoudrage » - c-à-d. une succession excessivement rapide de questions sans laisser le temps au patient de se concentrer sur aucune -, l'usage de paradoxes de l'auto-réflexivité (ex. « il est interdit d'interdire »), la « prescription du symptôme » - ex. imposer l'abstinence à un patient se plaignant d'impuissance -, le « déplacement du symptôme » - ex. « vos souffrances se concentreront sur le lundi, le mercredi, le vendredi soir de vingt heures à vingt-et-une heures » -, « l'alternative illusoire » - ex. « désirez-vous parvenir à maîtriser votre problème dès cette semaine ou la semaine prochaine ? » -, enfin le « recadrage », moyen de reformulation du dilemme psychique ou comportemental qui a pour archétype la fameuse anecdote d'Alexandre le Grand tranchant le nœud du roi Gordias au lieu de le défaire – de beaux ex. de rapports conflictuels entre parents et enfants adolescents sont fournis, dont un concernant le propre fils d'Erickson.

La « prescription de comportements spécifiques » se décline en : Chap. VIII, qui se penche dans le détail du « langage d'injonction », la forme verbale impérative étant supposée être la plus archaïque du langage humain, donc la plus apte à permettre l'accès à l'hémisphère droit. Il m'a semblé que le terme « prescription de comportements » recouvrait en fait, à l'impératif, les techniques déjà examinées dans le chap. précédent : ordres confus ou contradictoires, doubles contraintes, recadrages et alternatives illusoires. Ce qui émerge surtout ici, c'est la variabilité de ces techniques, à user au cas par cas, obligation étant faite au thérapeute de saisir le « langage » propre à chaque patient, de se l'approprier, aussi névrotique ou psychotique soit-il, et de le détourner de manière à en faire ressortir la contradiction interne. Du court-circuit se produit en effet le changement.
De façon analogue, le Chap. IX, « Tout sauf ça », se fonde sur les « résistances » que tout patient, nécessairement, développe à l'encontre de son changement. Le thérapeute doit être en mesure d'« utiliser » cette résistance et de la retourner au profit du patient. Une technique utilisée dans ce but est appelée « la préemption », c-à-d. l'anticipation des résistances et des objections rationnelles de celui-ci.
Le Chap. X, conclusif, traite des « rituels thérapeutiques » et en affirme l'importance.
Enfin la Conclusion, en mettant en exécution la « technique de la préemption », affronte très rapidement trois objections que les méthodes psycho-thérapeutiques traditionnelles peuvent adresser contre les contenus de ce livre :
1. le simplisme – critique sur le renoncement à chercher le « pourquoi » en privilégiant le « comment » ;
2. la pérennité de l'amélioration – réponse : « Le thérapeute responsable et réaliste ne peut se fixer pour but que d'accroître son habileté à régler les problèmes de la vie quand ils surgissent, et non de libérer la vie de tout problème » (p. 166) ;
3. la superficialité – réponse : la simplicité de la théorie n'implique pas que son application ne soit difficile. « L'application pratique reste bien le problème crucial, qu'il faut aborder autrement que dans cette vieille plaisanterie : "Jouer du piano, ça n'existe pas. J'ai essayé à plusieurs reprises et je n'y suis jamais arrivé". » [excipit]

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