Le porteur de ténèbres.
Les cinq pages introductives du prologue à la 3e enquête du département V sonnent le glas pour deux jeunes frères séquestrés dans un hangar à bateau. Sachant leur mort imminente, l’aîné va méticuleusement écrire avec une écharde et son sang un appel au secours, glissé dans une bouteille, scellée puis jetée in extremis à la mer quand son bourreau l’extraira de la remise pour l’exécuter. Le SOS échouera sur la côte écossaise, sera récupéré, oublié pendant dix ans sur une fenêtre avant d’être analysé par la police puis expédié au Danemark puisque les quelques mots péniblement identifiés sont du danois pour enfin échouer sur le bureau de Carl Mørck s’occupant des affaires non élucidées. Face à l’énigme d’un message effacé à 90 % et à l’accumulation des années, l’inspecteur danois hésite à prendre l’affaire au sérieux mais son assistant syrien, Assad et sa secrétaire punk, Rose vont progressivement le persuader. Lentement, méthodiquement, intuitivement, les limiers du département V vont faire parler le vieux message qui va livrer lettre à lettre son sens et dévoiler en arrière-plan une horreur indicible.
Jussi Adler-Olsen rend, d’une plume légère, son effrayante histoire passionnante de bout en bout. Le lecteur pourrait se dire qu’il en a trop vu, lu et entendu sur un sujet rebattu mais le récit de kidnapping, claustration, exécution est tellement « enlevé », vif et méthodique, froid et méticuleux qu’il glace et fouette le sang. On pressent que les bourreaux œuvrent dans l’ombre sans retenue et sans satiété mais qu’une exposition en pleine lumière ne les effaroucherait pas plus puisqu’ils auraient toujours un coup d’avance, une esquive amorcée, une justification toute faite pour peu qu’un avocat sans scrupule les soutienne. Le démon incarné de « Délivrance » modifie son apparence, efface toute trace, multiplie ses identités et demeure insaisissable malgré son incessant labeur d’anéantissement ciblé vers des familles investies dans des milieux religieux sectaires. A mesure que son histoire se dévoile, son aura funeste s’agrandit, irradiant d’un charisme maléfique et pathétique. Le serial killer s’avance dans la vie d’une marche funèbre, écrasé lui-même d’un poids de ténèbres insupportable.
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