Pour écrire "La faim", il est probable que que Knut Hamsun s'est inspiré de sa propre expérience, ainsi que nous l'apprenons dans la préface rédigée par Octave Mirbeau, évoquant les aléas qui ponctuèrent l'existence de l'écrivain norvégien. Alors tout jeune, Knut Hamsun, après avoir traversé la Norvège, erra quelques temps dans la ville d'Oslo (alors nommée Christiana), vivant de divers petits métiers avant de s'embarquer pour les États-Unis.
Nous faisons la connaissance de son héros alors qu'il est dans une mauvaise passe : à bout de ressources financières, il loge dans des taudis de plus en plus précaires, et s'alimente de moins en moins, déambule dans les rues en s'efforçant d'imaginer des solutions pour échapper à sa misère grandissante.
Un article vendu à quelque journal lui procure parfois une brève amélioration de ce quotidien sordide.
Voilà pour le synopsis...
L'intrigue est constituée de la description détaillée des symptômes liés à la faim, que subit le narrateur. Symptômes physiques, tout d'abord, qui confinent parfois à la torture, mais aussi impacts psychologiques, qui le plongent dans une sorte d'agitation maniaco-dépressive. Tantôt il est pris d'accès d'euphorie suscités par le rêve de jours meilleurs, tantôt il exprime le plus profond désespoir.
Ce qui est étonnant dans son attitude, c'est qu'il a une fâcheuse tendance à anéantir les quelques heureux hasards qui lui permettraient -certes temporairement- de vivre mieux. Aussi, lorsque certaine connaissance croisée ici ou là lui propose parfois de le dépanner, ou de bientôt lui rembourser une dette contractée en des temps meilleurs, une sorte de fierté mal placée l'incite aussitôt à camoufler sa misère par des déclarations bravaches sur sa prétendue bonne situation.
Comportement dont il s'irrite ensuite, regrettant avec force mortifications d'avoir ruiné une occasion de pouvoir s'alimenter pendant quelques jours.
De même, dès qu'il est en possession de quelque argent, il s'emploie à s'en débarrasser, se persuadant qu'il ne l'a pas mérité...
Ce comportement surprenant amène le lecteur à se poser des questions sur la relation qu'entretient le narrateur avec sa faim, symbole éloquent d'un dénuement dans lequel il donne parfois l'impression de se complaire. Espère-t-il inconsciemment atteindre, en se défaisant de toute possession matérielle, une forme de pureté ?
Le contexte socio-économique n'a ici aucune importance. Le héros vit sa descente aux enfers, dont il porte l'entière responsabilité, dans une solitude quasi totale -et sans doute volontaire-. Ses réflexions sont centrées sur lui-même, il dépeint avec minutie les effets de la faim sur son organisme et sur son caractère, analyse sévèrement les réactions (parmi lesquelles d'incompréhensibles sautes d'agressivité) qu'ont suscité en lui telle rencontre ou telle situation.
Récit en boucle des mécanismes organiques et psychiques mis en branle par un individu affamé, "La faim" n'en est pas pour autant un roman ennuyeux. Le comportement du héros suscite une réelle curiosité, voire une certaine empathie, et l'écriture de Knut Hamsun, qui restitue fidèlement la logorrhée mentale du narrateur, est un régal.
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