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[Sexe et identité féminine | Gérard Bouté]
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apo



Sexe: Sexe: Masculin
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Posté: Ven 10 Jan 2014 14:02
MessageSujet du message: [Sexe et identité féminine | Gérard Bouté]
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Cette lecture dérive de mon insatisfaction - méthodologique - face à l'essai de Philippe Brenot, Les femmes, le sexe et l'amour. Mais je ne soupçonnais pas de trouver dans cet essai (qui date quand même de 2004) la réponse aussi totale et absolue à toutes mes perplexités et mes critiques. D'où un enthousiasme peut-être excessif ? Le temps le dira.
La démarche d'abord. Le sexe est toujours un "sexe culturel complexe, où se mêlent imaginaire et archétypes, où se discernent à la fois l'attrait et la crainte". (p. 9) En ces deux natures (culturelle et imaginaire-archétypale), la psychanalyse ne saurait être absente et son rôle prépondérant sur tout ce qui relève de la représentation. La parole des participantes (ici au nombre de 18) doit être prise dans l'intégralité de sa valeur discursive-littéraire (y compris les silences, les non-dits, l'analyse de la lettre, le langage même au sens lacanien) et il faut bien la prendre pour une vérité subjective, composée d'images, de l'ensemble des déterminations inconscientes (y compris collectives), et du vécu qui se baigne aussi de l'idéologie sexuelle actuelle. [A ce propos, j'ai bien apprécié l'idée qu'une certaine "libération des vieux carcans", notamment lorsqu'elle est référée par le discours ambiant, dont nous savons par ailleurs qu'il est très majoritairement produit par des hommes et des dominants et destiné aux femmes, est sans doute prescriptif plus que descriptif, et fort probablement relevant de fantasmes masculins et de nouveaux horizons de domination... (p. 17 et passim)].
Par conséquent l'ouvrage se développe en deux parties : l'une théorique, très orientée vers la psychanalyse, traitant les questions préalables suivantes : 1. paroles , 2. images, 3. inconscient, 4. vécu. Cela est quand même assez court (60 p.)
Deuxième partie, consacrée aux dix-huit récits, traités donc en longueur, avec une profusion de notes de bas de page qui ont une fonction très nettement interprétative des propos (renvois à Freud, Jung, Lacan, Mead et autres auteurs classiques de la psychanalyse mais aussi, souvent à des auteurs littéraires). Il faut remarquer que les textes ont été entièrement rédigés par l'auteur et contiennent relativement peu de guillemets de citation ; en d'autres termes, ils ont été rendus en forme entièrement littéraire - ce qui peut sembler infidèle mais que, pour ma part, j'ai beaucoup apprécié, également en termes de goût de lecture (!). Autre remarque relevant du même esprit : les prénoms des femmes ont été transformés non pas arbitrairement mais par des références très marquées (mais pas toujours immédiatement lisibles pour moi) à autant de personnages mythologiques. Parti pris intelligent. A la fin de chacun, le rappel du titre caractérisant (comme pourrait l'être celui d'une nouvelle) outre les données sociologiques objectives (âge, situation familiale, enfants éventuels, profession).
Le tout est donc très agréable à lire et très fertile en réflexion. Mais ce qui est réellement déroutant, ce sont les conclusions. Car elles s'opposent très significativement à celle de l'étude que j'ai citée au départ :
- "le paysage sexuel féminin des dernières décennies n'a pas été modifié essentiellement" (p. 249)
- "[la] sexualité [est] vécue le plus souvent sous la dépendance subtile de valeurs négatives" (ibid.)
- "les modèles actuels de comportements sexuels libérés de toute contrainte et médiatisés avec complaisance ne sont en grande partie que la mise en images de fantasmes [masculins]" (ibid.)
- "le poids de l'éducation, des tabous transmis, par les mères notamment, est constant. Même chez les parents les plus jeunes, à quelques nuances près, on ne parle pas de sexualité" (p. 251)
- "le sang menstruel n'a pas fini de convoquer les spectres de l'abjection et de la honte." (p. 251-252)
- "Des règles aux relations affectives, un panorama se dessine montrant la difficulté d'une rupture œdipienne de la fille avec la mère." (p. 252)
- "Quant aux pères [...] ils brillent par une inconsistance remarquable, sauf quand la violence leur tient lieu de virilité. " (p. 253)
- "D'autres attitudes de parents équivoques se rencontrent. Par le regard d'abord [...]" (p. 254)
- "Quant à leurs pratiques sexuelles, plusieurs femmes affirment leur droit à la liberté [...], en revanche, la majorité d'entre elles épousent des usages courants." (p. 255)
- Sur la question de l'identité féminine éventuellement en-dehors de toute référence à l'identité masculine : "Que disent les femmes quand, dans leurs propos, elles se disent féminines ? Ne s'agit-il pas pour elles de se conformer aux images traditionnelles de la féminité désirées par les hommes ?" (p. 256)
- Enfin, sur les "importants bouleversements [qui] ébranlent actuellement les sociétés et les mœurs" : "le désir devient tout-puissant, sans limites à la jouissance, seule manière d'échapper à la réalité de la mort qui obsède la conscience actuelle. C'est possible puisque je le désire, semblent dire la femme et l'homme contemporains." (p. 257).
Mais là s'ouvre une tout autre histoire...

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le_regent



Sexe: Sexe: Masculin
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Posté: Sam 11 Jan 2014 18:42
MessageSujet du message:
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Bonjour Apo
On ne peut pas le deviner en parcourant la liste de mes notes de lecture, mais les thèmes de l'identité de genre (le terme n'était pas encore en usage dans ma jeunesse, mais c'était exactement ma représentation de la chose) et de la sexualité sont de ceux qui m'intéressent. Ta note me met en appétit. Je vais souvent vers des lectures dérangeantes dans l'espoir de ne pas vivre avec des oeillères, ou, comme tu le disais dans un de tes messages, pour peaufiner un contre-argumentaire, mais c'est agréable aussi de temps en temps de lire des livres qui confirment mes impressions.
Cordialement.
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Auteur    Message
apo



Sexe: Sexe: Masculin
Inscrit le: 23 Aoû 2007
Messages: 1959
Localisation: Ile-de-France
Âge: 52 Poissons


Posté: Dim 12 Jan 2014 15:07
MessageSujet du message:
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Si je comprends bien, tes impressions sur ce sujet-là, qui sont aussi les miennes et qui correspondent à l'analyse de cet essai, vont à contre-courant de l'opinion répandue, qui se veut progressiste, transgressive, innovante, voire "dérangeante" mais qui est en réalité inspirée par de très forts archaïsmes déguisés pour mieux faire passer un but de domination hélas réalisée.
Je vais te répondre sur la question du "progrès", mais je constate que là aussi, nous sommes sur une problématique tout à fait identique...
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Re: [Sexe et identité féminine | Gérard Bouté]
Auteur    Message
Swann




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Posté: Mar 14 Jan 2014 22:39
MessageSujet du message: Re: [Sexe et identité féminine | Gérard Bouté]
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« apo » a écrit:
- "les modèles actuels de comportements sexuels libérés de toute contrainte et médiatisés avec complaisance ne sont en grande partie que la mise en images de fantasmes [masculins]" (ibid.)
(...)
- Sur la question de l'identité féminine éventuellement en-dehors de toute référence à l'identité masculine : "Que disent les femmes quand, dans leurs propos, elles se disent féminines ? Ne s'agit-il pas pour elles de se conformer aux images traditionnelles de la féminité désirées par les hommes ?" (p. 256)

Ça paraît tellement évident que je ne comprends même pas comment certaines chanteuses mûrissantes aient pu considérer leur incursion dans l'image porno (même pas innovante) comme une contribution au féminisme. La démarche d'Ovidie était déjà plus intéressante.
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Auteur    Message
apo



Sexe: Sexe: Masculin
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Posté: Mer 15 Jan 2014 18:38
MessageSujet du message:
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... "tellement évident" : ouais, bof, enfin, si tu le dis... Le problème me semble se poser non pas pour les chanteuses, actrices, égéries des marques ou autres professionnelles de la création de l'image féminine, mais pour les femmes "quelconques". A quel point sont-elles effectivement influencées (victimes ?) par cette image et cet imaginaire construits, ou bien les partagent-elles ? les ont-elles intériorisés ? Sur cette question, au-delà des apparences, l'on ne peut avancer que des estimations d'ordre statistique. Or autant les données que les conclusions qui en sont tirées semblent être contradictoires, au moins si je compare le livre de Philippe Brenot et celui-ci.
J'ose évoquer une petite anecdote de la vie privée de ma femme, qui indiquerait que la conception "progressiste, transgressive, innovante" aurait gagné jusqu'au milieu médical. La gynécologue de mon épouse (dame âgée, consultant dans un "beau quartier" parisien) insiste donc à plusieurs reprises pour lui prescrire une pilule contraceptive de 5e génération (toute moderne, post-chimie lourde, relativement chère et naturellement non remboursée par la Sécu...), qui a pour caractéristique de supprimer entièrement les règles. Face à la consternation de sa patiente, qui a plusieurs bonnes raisons de tenir à son cycle, en tout cas des raisons légitimes qui sont les siennes, la gynécologue de lui répondre : "Mais madame, ainsi vous êtes toujours disponible pour le rapport". Consternation décuplée, vague malaise dû à un fugace sentiment de culpabilité, je suppose...
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Swann




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Posté: Jeu 16 Jan 2014 0:04
MessageSujet du message:
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Là, c'est moins net pour moi : dans l'anecdote, c'est le mot "disponible pour le rapport" qui prête à confusion (tout comme le mot "indisposée" l'était, l'est encore), puisqu'il laisse croire que c'est l'homme qui est systématiquement demandeur et la femme qui doit être "disponible". Il faut incriminer les mots employés sans présumer de l'esprit qu'ils couvrent.
En réalité, malgré mon esprit toujours soupçonneux et sourcilleux, je pense en tant que femme, que ce sont bien les femmes qui souhaitent non pas être "disponibles", mais pouvoir compter sur leur corps chaque instant où elles le souhaitent, sans encourir de refus (paradoxalement, garder l'homme bien disposé envers elle chaque fois...).
Non, là, confusion verbale d'une praticienne écartée, je vois une vraie réciprocité dans la façon d'envisager la disponibilité sexuelle !

Il n'en est pas moins désolant qu'on puisse considérer quelques jours dans un cycle comme une entrave insupportable à sa vie sexuelle... Mais bon, ceci est une autre histoire.
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Auteur    Message
apo



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Posté: Ven 17 Jan 2014 12:54
MessageSujet du message:
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« Swann » a écrit:
Il n'en est pas moins désolant qu'on puisse considérer quelques jours dans un cycle comme une entrave insupportable à sa vie sexuelle... Mais bon, ceci est une autre histoire.


Oui, je pensais surtout à cela, en vérité. Au point que le résultat de la recherche pharmaceutique la plus avancée est un tel produit, qualifié de surcroît de "naturel" (œstrogènes non de synthèse) - où donc va se ficher la nature par rapport à la modernité... toute une histoire !

Et que l'on estime bien faire en le prescrivant, car a priori (et sans demander si c'est le cas) on doit préférer être libérée de l' "entrave insupportable"...

Mais ton point 1, ne me semble pas anodin non plus : la femme ferait bien d'être constamment "disponible"... c'est-à-dire "à la disposition" (et pas du tout "libre de disposer") - Nomen omen et pas vraiment de confusion, hélas !

Et ton point 2, auquel je ne saurais répondre en tant qu'homme, me fait te demander quand même si ce qui te paraissait tellement évident il y a quelques jours, du coup, l'est vraiment. Je me trompe ?

Et même s'il s'agissait vraiment de réciprocité et non de désir masculin intériorisé, il est difficile de nier qu'elle passerait alors pas la négation de la temporalité féminine (sinusoïde physiologique qui comporte, pour autant que je sache, autant l'ovulation que la menstruation...).
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