[Exit le fantôme | Philip Roth, Marie-Claire Pasquier (Traducteur)]
Nathan Zuckerman est un personnage familier aux lecteurs de Philip Roth. Alter ego de l'auteur, que l'on retrouve tout au long de son œuvre, il tire, dans "Exit le fantôme", sa révérence.
Voici onze ans qu'il a quitté New-York et sa trépidation pour vivre en reclus dans sa maison du Massachusetts. Il ne lit plus les journaux, ne s'intéresse plus au monde, ni à ce que le monde peut bien penser de lui. S'il continue d'écrire, c'est davantage mû par une sorte de besoin viscéral que dans l'optique d'être publié (bah oui, comme Roth, Zuckerman est écrivain).
Un cancer de la prostate survenu avant sa réclusion l'a laissé impuissant et incontinent. Une opération de la dernière chance en vue de résoudre le deuxième de ces problèmes -son impuissance est, elle, irréversible- le ramène à New-York.
Il va y faire deux rencontres qui vont presque le réintégrer dans la dynamique de l'existence...
La première est occasionnée par sa réponse à une petite annonce. Un couple de jeunes écrivains souhaite échanger, pendant un an, son appartement new-yorkais contre une habitation éloignée de la ville. Le but est, pour madame, d'apaiser l'angoisse qui la ronge depuis les événements du 11 septembre. Dès la première conversation qu'il entretient avec elle, Nathan Zuckerman est séduit par Jamie Logan, la dame en question, dont la présence réveille ses velléités de séduction.
L'autre personnage avec lequel il fait connaissance s'introduit dans sa vie de manière beaucoup moins plaisante, et suscite sa colère. Richard Kliman est journaliste, et écrit une biographie d'E.I. Lonoff, écrivain injustement méconnu, que Nathan admirait beaucoup, et qu'il a même eu l'occasion de rencontrer quelques décennies auparavant. Ce qui gêne notre héros, c'est que cet insistant et intrusif journaliste semble accorder davantage d'importance à la révélation d'un inavouable secret relevant de la vie privée de Lonoff, qu'à rendre hommage à son talent en tant qu'homme de lettres.
J'ai vu, dans ce roman, une sorte de chant du cygne...
Nathan Zuckerman, qui, en plus de trente années d'existence, est quasiment devenu un individu à part entière, semble perdre, au fil du récit, sa consistance. Il semble en effet n'avoir aucune prise sur les événements auxquels il assiste en spectateur qui refuse de s'impliquer, et observe avec distance le comportement de ses semblables. Il est comme décalé par rapport aux changements qu'il constate dans le quotidien des citadins. En somme, son impuissance n'est pas que sexuelle, et sa diminution, liée en grande partie au vieillissement, n'est pas que physique. Il a d'ailleurs de plus en plus de difficultés à écrire, sa mémoire le trahissant chaque jour davantage.
La fin approchant, j'ai eu le sentiment qu'il souhaitait nous délivrer un dernier message, capital à ses yeux... Un message sur l'essence de l’œuvre littéraire, transcription des réflexions profondes de son auteur, dont c'est le travail qui doit être reconnu, et non la personnalité ou les événements de sa vie. Il réaffirme le principe selon lequel la littérature n'a pas à se soucier du politiquement correct, des prises de position que le public s'attend à vous voir adopter en fonction de votre appartenance à tel groupe social, culturel ou religieux.
Adieu, Nathan Zuckerman, vous aller me manquer...
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