« En avant, route ! » est le titre du journal de voyage d’Alix de Saint-André vers Compostelle. Elle emprunte au poète ardennais, non ses semelles de vent mais une locution célèbre tirée du Démocratie des Illuminations qu’elle détourne car Rimbaud écrivait : « […] la crevaison pour le monde qui va. C’est la vraie marche. En avant, route ! ». Détourée de son contexte, « En avant, route ! » pourrait aussi s’entendre comme une injonction à y aller à toute allure à l’exemple des marins anglais s’exprimant par un : « Full speed ahead ! » qui se traduirait par : « En avant toute ! ». Bref, il fallait oser y aller et Alix de Saint-André se lance dans l’aventure du camino sans ne rien connaître de la marche à pied, des ampoules, des suées, de la fatigue, de l’inconfort et du but inatteignable, prompt à se dérober dès qu’il se précise. D’ailleurs, elle y reviendra, à Compostelle, en Galice. Sa première relation de voyage est d’un mince intérêt tant l’auteure est préoccupée par un fatras personnel l’empêchant de vivre le chemin. Elle écrit de mémoire et cela se sent. Elle reste constamment à la surface des choses, semble presque marcher à l’aveuglette et ne jamais rien donner à ressentir au lecteur. Elle ferait presque pitié quand elle fait vœu de ne plus fumer et qu’elle s’écrie, en colère, seule contre tout, le nez enfin débouché, que le monde pue. Elle oublie qu’entre autres, les sensations olfactives enrichissent la vision. Il faut attendre la moitié de l’ouvrage, lors du « Compostelle III » vécu par l’auteure, pour éprouver de l’empathie et un élan commun. Le style se resserre, les mots sont choisis, les trouvailles abondent et les formules ouvrent sur le lieu, enfin : « Je redécouvrais le rythme du travail de pèlerin : le lever avec l’aube, l’enchantement des paysages noyés dans une lumière versée à profusion… ». Si les réflexions de l’auteure sur les paysages traversés sont trop peu creusées (« On les traverse sans se laisser traverser par eux »), ses portraits de pèlerins sont souvent très réussis et les échanges frugaux mais fructueux à l’exemple de Pascal l’ânier, Carlos l’apostat ou de Rodrigo le jubilant. En bout de route, il n’y a toutefois pas de quoi fouetter le Jacquet qui dort en soi.
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