Même si le titre ne donne pas envie d’aller de l’avant dans la lecture, les mots juxtaposés qui le constituent peuvent être le programme de toute une vie, celle d’un moine ascète, d’un pèlerin sans frontière ou d’un hédoniste esthète. Le beau petit livre des éditions Gypaète incite à passer outre les réticences du départ d’autant que l’auteur parcourt en amoureuse une région éblouissante des Pyrénées, pour certains baroudeurs, l’un des plus beaux endroits de la planète, autour du Mont Perdu, inscrit maintenant au patrimoine mondial de l’humanité. L’incipit inspire aussi un mouvement de rejet chez le lecteur : « Comme j’aime Ansabère ! ». Ces déclarations à l’emporte-pièce ponctuées de points d’exclamation sidèrent et abattent les mieux armés. Il ne suffit pas d’enfiler les mots pour donner à voir et à ressentir les paysages traversés. Inutile d’en rajouter ! Un « J’ai adoré » peut nous faire détester l’endroit. Quelques lignes après, on trouve : « Arrivée entre le petit bois et la forêt ensorcelée, je quitte le ruisseau bavard pour retrouver mon arbre magique. » Les coquilles et les approximations s’ajoutent à l’irritation qui va croissante. Que fait le directeur de collection ? L’auteure achève son lecteur ahanant à coup d’envolées pseudo poétiques qui s’encastrent vilainement dans les couloirs avalancheux de la sottise et de la vanité. C’est d’autant plus dommage qu’il y a des germes, des départs, des élans qu’un mot maltraite sottement : « J’aime ces pierres sauvages et définitivement oubliées… J’en prends une, deux… En m’excusant de les arracher à cette chaleur qui s’enroule et parfume chacune d’entre elle, d’une senteur si proche de celle de la poudre, de la coquille, de l’infinie pudeur entre la roche et l’eau… Comme je suis amoureuse… ». Si l’auteure savait se tenir et se relire, biffer, gommer afin d’extraire le gemme du poème mais il faut qu’elle meuble, qu’elle surjoue au grand dam de la vision naissante. Dommage ! Elle a une matière à rêve de premier choix sous la semelle par exemple à travers ces « petites cascades… tellement fines que ce n’est qu’une pluie de gouttelettes sauvages et dorées qui s’échappent du rocher ». On s’énerve mais c’est vain. Le pilon et l’oubli vont faire bonne presse.
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