L’île d’Huffman, nouvelle terre émergée du Pacifique, riche en ressources naturelles, est partagée arbitrairement entre deux superpuissances qui s’observent en chiens de faïence, l’OCU regroupant une coalition de pays asiatiques sous l’égide du Japon et l’OSN rassemblant les pays d’Amérique sous la bannière des Etats-Unis. Après vingt années de guerre froide, le conflit est imminent alors qu’un journaliste, Akira Matsuda, arrive sur l’île pour remplacer Leona, une collègue journaliste pressée de rentrer au Japon retrouver sa fille. Leona pressent l’imminence de la guerre. Elle n’aura pas le temps de s’échapper que les frontières sont déjà bloquées. Les escarmouches à la frontière ont fait place à l’explosion de missile sur la ville. Les civils découvrent la peur, l’effroi, l’épouvante et l’hébétude face à une guerre qui paraît bien lointaine aux populations qui ne sont pas directement exposées. Matsuda est sidéré par la violence et l’horreur. Désorienté, apeuré, il laisse son collaborateur, le photographe Kenichi Inuzuka, couvrir le conflit. Etonnamment épargné par les balles et les explosions, il se trouve au cœur de l’action et prend des photographies sur le vif tranché net. Ses clichés sont de véritables coups de poignard médiatiques. Morbides, reflétant la réalité dans sa crudité extrême, les photographies sont prises sans passion mais avec un voyeurisme inquiétant. L’enrôlement de deux amis d’enfance dans l’armée nipponne et leur entrée dans la bataille indépendant du point de vue des journalistes donnent un contrepoids à l’histoire.
Adapté d’un jeu vidéo, le manga scénarisé par Yasuo Otagaki véhicule des peurs collectives et donne à ressentir des angoisses indivuduelles face à l’enfermement des hommes dans des corps mutilés ou artificiels à l’image des Wanzers, gigantesques robots armés. Le jeune soldat d’abord paralysé par la trouille alors qu’il manœuvre un Wanzer voit son ami disparaître aux commandes de son engin de mort alors que lui-même se trouve gravement touché.
Si le dessin de Line est précis, fouillé quant au rendu des matières, à la sophistication des superstructures, les visages et les corps pâtissent d’un traitement hâtif. Le découpage, la mise en scène restituent excellemment l’action. Le manga n’est pas effrayant par l’étalage d’une horreur et d’une violence devenues presque ordinaires dans les médias d’aujourd’hui, il met mal à l’aise le lecteur en jouant subtilement, avec perversité, sur des peurs archétypales. Après ce premier opus en mort majeure, il n’est pas facile d’entamer la suite.

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