J'ai moyennement apprécié le livre de Bernard Frank. Certes l'homme savait écrire, c'était même son travail au Nouvel Observateur, mais s'intéresser aux aventures de Bourrieu,Weil,François,Ponchard et les autres pendant plus de quatre-cent pages a nécéssité de ma part une persévérance certaine. Frais émoulus de l'université ces jeunes littéraires aux dents longues ont l'impréssion d'être nés trop tard dans un monde trop vieux ; on retrouve là les héros stendhaliens typiques des après-guerres. La seconde guerre mondiale vient de se terminer et nos compères veulent se tailler une place dans le journalisme mais surtout " l'écriture". Ce n'est pas l'éthique qui les encombre dans cette époque bénie pour les arrivistes de tous bords. Au firmament des lettres trônent Malraux,Camus,Sartre,Beauvoir...Tout leur est bon pour approcher leurs idoles ; on squatte les salons de Gallimard, on publie des critiques louangeuses sur tel ou tel écrivain en espérant le petit coup de piston, le renvoi d'ascenseur...et surtout le fin du fin est d'obtenir, par l'intermédiaire de Jean Cau le secrétaire particulier de Sartre, un rendez-vous rue Vanneau chez le pape de l'existentialisme. Le résumé de ce rendez-vous est plutôt savoureux et Sartre en voulu quelque temps à Frank de sa causticité.
Mais plus que l'ambition d'être un jour édité chez Gallimard, c'est l'ennui qui semble le dénominateur commun à nos anti-héros. Un ennui existentiel bien sûr ! Et comme le titre de ce livre russe célèbre ils pourraient dire :"Que faire" ? Leur vie d'enfants gâtés suit les saisons : Deauville, la Côte (d'azur ), le boulevard Saint-Germain...Cinémas (ce sont des grands cinéphiles ), restos,café de Flore (ne pas oublier de saluer Sartre et Simone...), et coucheries...qui s'achèvent plutôt piteusement.
Logiquement,se prenant pour de nouveaux Malraux, la fin du livre les montre Pieds-nickelés révolutionnaires en Amérique Latine. Et cela ne semble pas se terminer par le Grand soir !
Bernard Frank a écrit un livre cruel et désabusé . Les frasques de ses héros, leur côté répétitif , ont vite eu le don de faire de cette lecture un devoir obligé . Je suis toujours très réticent à arrêter un livre en cours...Mais cela reste un beau témoingnage de cette époque benie des Lettres.
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