Orphelin, le jeune Pip est élevé "à la main" par sa furibarde de soeur, en compagnie du forgeron Joe, le mari de celle-ci, qui lui est la bonté même. Un jour qu'il se promène vers la tombe de ses parents, il se retrouve bon gré mal gré à aider un forçat fraîchement évadé ; ce premier événement le marquera grandement. L'autre grand changement de son enfance se produit lorsqu'il est appeler à rendre de fréquentes visites à Miss Havisham, chez qui il fait la connaissance de la jeune Estella.
Et je n'en dis pas plus pour ceux qui ne connaissent pas encore l'histoire!
M'enfin, bien qu'il y ait des rebondissements, on les flaire souvent à des kilomètres à la ronde, et il me semble donc que ce n'est pas tant pour son suspense que De grandes espérances est un grand roman.
Car de mon point de vue, assurément c'en est un! Et je rejoins ici l'avis d'Ori : c'est la galerie de personnages, principaux, secondaires et tous les autres qui est remarquable. Comme pour Oliver Twist, je n'ai pas eu beaucoup d'affection pour Pip, qui est bien balourd et surtout ingrat, injuste, souvent terriblement conscient de l'être mais se morfondant sur son mauvais comportement sans pour autant en changer! Mais cesse donc de geindre et agis, flûte à la fin!
Les autres personnages sont assez caricaturaux, mais d'une telle façon que je n'imagine pas que ça eût pu me plaire autrement. Joe est un plouc au coeur tendre, sa femme (soeur de Pip, donc) une imbuvable mégère, Pumblechook est bêtement fier comme un paon (quelle envie de lui rabattre son caquet à celui-là!), Jaggers est un professionnel au coeur de pierre, Biddy et Herbert sont d'une constance et d'une gentillesse surhumaines... Et que dire des deux principaux personnages féminins, Miss Havisham et Estella! Miss Havisham inspire à la fois la pitié et la terreur, elle pousse sa détermination et sa vengeance à point qui m'a fait penser aux tragédies grecques. Quant à Estella, cette espèce de Frankenstein de l'amour... Tout comme pour l'histoire, les ficelles de ces personnages sont énormes, mais tellement bien faites qu'elles ne gênent absolument pas.
Et puis quel art de la description... Dickens est un peintre à sa façon, comment ne pas se sentir perdu au milieu du brouillard londonien, ou dégoûté au milieu du mauvais quartier de la capitale, ou amusé face au pont-levis miniature de Wemmick?
Et j'ai retrouvé l'humour qui m'avait tant séduite dans Oliver Twist, cet humour un peu caché, qu'on découvre, fort souvent d'ailleurs, au détour d'une phrase, l'air de rien.
L'histoire finalement secondaire perd un peu de son souffle vers le milieu du livre, où j'ai ressenti un certain ennui, un manque d'allant. Toutefois, ce passage au ralenti n'a pas duré trop longtemps (à l'échelle dickensienne, hein, faut remettre dans le contexte "pavé") et le plaisir du début du livre m'a convaincue de ne pas me laisser piéger par ce que j'ai ressenti comme un passage à vide. Bien m'en a pris car j'ai beaucoup aimé l'ensemble du livre hormis cet ennuyeux passage central.
Bref, De grandes espérances est une très belle fresque anglaise, dont on sent l'origine feuilletonnesque (ce que j'apprécie beaucoup) ; pour les personnages, pour le style, un vrai plaisir.
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