[Les seigneurs de la Terre. 2, To bio or not to bio | Fabien Rodhain ; Luca Milisan]
La fantasque escrime.
A l’été 2000, Florian Brunet épouse Anne qui aurait pu tomber dans les bras d’un autre éternel soupirant, le propre cousin de Florian, Luc, soutenu par son propre père, Joseph. Dans la famille Brunet, « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point ». Loin de l’adage pascalien axé sur l’appréhension divine, proche d’une interprétation contemporaine où les décisions amoureuses apparaissent irrationnelles, l’attitude de Florian envers Anne relève davantage du contrat social. En surprenant Anne cherchant le réconfort dans les bras de Luc, Florian l’épouse si elle renonce à la vie aisée pour s’investir avec lui dans l’agriculture biologique. Le parcours du combattant pour la vie va s’enclencher pour Florian, sa femme et leur jeune enfant. Entre formation professionnelle, implantation dans le terroir ardéchois, développement et commercialisation de cultures fruitières biologiques, la tâche est longue, rude et jalonnée d’embûches. Aux parasites naturels s’ajoutent les jalousies et les frustrations familiales. Le drame s’ourdit. Même si la foi peut déplacer des montagnes, Florian va devoir reprendre des chemins intérieurs et réveiller ses peurs et ses tourments liés notamment à la disparition de sa mère dans son enfance.
Le scénariste développe habilement sa tragi-comédie dans un deuxième acte fort en avancées et en rebondissements. Comme dans une livraison feuilletonnesque, la toute dernière image relance toute la mécanique de l’histoire. Le dessinateur et le coloriste transalpins réalisent une belle partition, élégante et colorée. Les décors sont travaillés avec un luxe de détails. Les expressions sont vivantes. Rien n’est dissimulé, jouissance, tristesse, colère, joie. Les corps exultent dans des chaudes lumières. Ils s’affaissent aussi sur des lits d’hôpitaux.
Le jeu de mots sur le titre peut paraître faible bien qu’il soit approprié par de nombreux biais avec l’œuvre shakespearienne. On ne fait pas d’Hamlet sans casser d’œufs. La série accroche et retient. Bien pensée, militante et documentée, elle prend une place unique dans la production éditoriale. En mêlant l’intime et le cosmique, l’histoire dépasse l’anecdotique et transcende le genre. La suite ne pourra que confirmer une trajectoire riche et porteuse, un élan salutaire.
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