Soleil rouge.
Soleil rouge.
La Terre vit ses derniers feux stellaires et les hommes conscients de l’échéance néanmoins continuent sur leur lancée. Après le passage d’années immémoriales, de civilisations éteintes, de montagnes érodées, d’océans asséchés, de continents remodelés, bien que la science se soit affaiblie et que la magie se soit en partie égarée, l’humanité n’en reste pas moins toujours assaillie par les mêmes démons : jalousie, cupidité, recherche du pouvoir et du plaisir épaulés par l’éternel cortège de cruauté, concupiscence et mort.
La première nouvelle du bref recueil de Jack Vance, « Turjan de Mir », narre les recherches du magicien curieux d’insuffler la vie à ses créatures de laboratoire. Alors que la science magique a été réduite à une part congrue, Turjan apprend l’existence du mage Pandelume, ultime possesseur de tous les charmes dont celui d’animer la matière. Turjan se met en quête du secret mais Pandelume ne donne rien sans être payé de retour. Après une petite vingtaine de pages, la seconde nouvelle intitulée « Mazirian le magicien » semble démarrer une autre histoire mais bien vite le lecteur est saisi par son enchâssement dans le précédent récit. Mazirian est obnubilé par l’apparition d’une femme insaisissable semblant être protégée par un sortilège puissant. Il va tout tenter pour s’en saisir mais les desseins de la merveilleuse créature demeurent insondables et le prix à payer sera exorbitant. Bâtie sur le même canevas que précédemment, l’histoire de Mazirian est riche et captivante jusqu’à sa chute cruelle. « T’saïs » relate l’odyssée d’une femme haineuse envers toute forme de beauté et d’un homme masquant son visage hideux au-delà de l’imaginable. Malformés et déformés, les deux personnages, Etarr et T’saïs vont tenter de retrouver leurs identités volées et peut-être l’amour encore informulable. Reste à terrasser la perverse Javane, sorcière vouée au démon. La nouvelle suivante met en scène « Liane le voyageur », habile voleur infatué qui croit en ses talents. Lorsque la belle sorcière Lith le met en appétit et en quête d’un fragment de tapisserie, Liane ne sait pas encore qu’il devra se confronter à Chun l’Inévitable. « Ulan Dhor », magicien novice a pour mission de trouver les deux tablettes de l’antique cité d’Ampridatvir afin d’obtenir la toute-puissance d’un archimage disparu mais il va devoir s’immiscer dans une ville ruinée tenue par des factions religieuses haineuses. « Guyal de Sfere » est avide de connaissances. Seul pourrait le rassasier le Conservateur du Musée de l’Homme, personnage omniscient quasi mythique mais la route est longue, incertaine et semée d’embûches infernales, de fantômes avides, de mesquinerie ordinaire.
« La Terre mourante » [The Dying Earth], titre originel, serait plus parlant que sa traduction : « Un monde magique ». Il donnera toutefois ultérieurement le nom d’un cycle comprenant, à la suite d’« Un monde magique » (1950), « Cugel l’astucieux » (1966), « Cugel saga » (1983) et « Rhialto le Merveilleux » (1984). En 1950, Jack Vance jette sur le papier ses cinq nouvelles. Néophyte, il parvient néanmoins à enchanter la Fantasy, genre littéraire en vogue et en pleine métamorphose avec notamment l’œuvre de Howard ou celle de Tolkien. Ses histoires conservent aujourd’hui un charme puissant, la capacité à donner vie et amplitude à un monde imaginaire par petites touches et suggestions colorées si le lecteur accepte les codes du genre. Le grand Jack tisse ses histoires sur le canevas des contes anciens en y entrelaçant une luxuriance mélancolique quand les épopées se sont tues et que les hommes s’agitent encore : « comme des cafards dans un labyrinthe ».
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