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[Nature via Nurture | Matt Ridley]
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Sexe: Sexe: Masculin
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Posté: Jeu 08 Fév 2018 14:36
MessageSujet du message: [Nature via Nurture | Matt Ridley]
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Cet ouvrage répond efficacement à la grande ambition de surpasser la dichotomie entre nature et acquis (« nurture ») dans les comportements humains. Il réfute, en d'autres termes, à la fois la conception de l'homme comme « tabula rasa » à la naissance, dont l'environnement serait le seul démiurge, tout comme le déterminisme biologique selon lequel son « fatum » serait irréversiblement inscrit dans son génome. Il présente en effet une découverte récente du fonctionnement des gènes : au lieu d'être les archives inaltérables de l'hérédité, certains gènes en activent et désactivent d'autres, provoquant la production de telle ou telle protéine, à des instants précis du développement de la personne, et tout au long de sa vie, en fonction des données reçues de l'environnement. De cette manière, la « nature », le génome, qui n'est plus que philosophiquement la « cause première », est ce qu'il y a de plus réversible, de même qu'il devient superflu de se demander si la cause de tel développement est génétique ou environnementale (les deux étant co-responsables), voire parfois de démêler les causes des effets (se manifestant souvent de façon circulaire plutôt que linéaire). Il est donc ridicule de chercher un gène spécifique pour un comportement ou une capacité ou même une maladie : le gène de maths, de la schizophrénie, ou du tueur en série. Outre les dizaines de gènes activables ou désactivables, outre l'enchevêtrement entre facteurs exogènes et endogènes, il est toujours question, en matière de génétique, de probabilité. L'hérédité d'un phénomène est une probabilité qui augmente en proportion inverse de l'ampleur des écarts des conditions environnementales : ex. l'hérédité de l'obésité (mesurable chez les jumeaux homozygotes) est la plus élevée si leur nutrition est similaire, très faible si les différences sont énormes ; elle dépendra aussi, considérablement, jusque dans une probabilité élevée de mourir d'une maladie cardio-vasculaire, de l'alimentation de la mère à une certaine période de la grossesse. Par contre, les parents pourront cesser de culpabiliser si leurs petits garçons leur réclament des pistolets jouets et des camions de pompiers et leurs petites filles des poupées Barbie et des kits de maquillage, en dépit de leur conscience éducative non-genrée : cela est « inscrit » dans les gènes de la progéniture – sans exclure que ce le soit dans les leurs aussi... De même, si un jeune né dans l'Europe du Moyen-Âge, féru d'épées, de chevaux (de tournois et de poèmes de troubadours) pouvait se téléporter à notre époque, il se passionnerait instantanément de flingues, de bagnoles (de jeux vidéos et de hip-hop) : car cela relève de la même, identique « inscription ».
N'en déplaise à notre orgueil d'espèce, toujours bien vivace, le mécanisme est aussi identique chez un certain ver (capable d'apprendre) et une certaine mouche, avec qui nous partageons des fragments étonnamment longs d'ADN...

La manière dont cette démonstration est effectuée est très originale. Une photo truquée, imprimée en fin de volume, représente « 12 hommes poilus (barbus et moustachus) » qui, au cours du XXe siècle, ont été les principaux ténors soit du parti naturaliste soit du parti culturaliste, respectivement : Charles Darwin, son cousin Francis Galton, William James (le champion des instincts chez les hommes), le botaniste néerlandais Hugo De Vries (qui découvrit les lois de l'hérédité 30 ans avant Mendel) ; le Russe Ivan Pavlov (inventeur des réflexes conditionnés), John Watson (inventeur du comportementalisme), l'Allemand Emil Kraepelin et l'Autrichien Sigmund Freud, responsables du « détournement » de la psychiatrie du « biologique », le Français Emile Durkheim, ayant insisté sur la réalité des faits sociaux indépendamment des acteurs individuels, le Germano-Américain Franz Boas, partisan des cultures (au sens germanique du terme) comme fondement de la nature humaine, le Suisse Jean Piaget (théories de l'imitation et de l'apprentissage), l'Autrichien Konrad Lorenz (concept d'empreinte).
Au lieu de procéder à un exposé aride, qui eût été carrément indigeste en sus d'être technique – ce livre de vulgarisation est considérablement plus ardu que The Red Queen –, il reprend les contributions des ces savants, les contextualise et rappelle leurs expérimentations, dans le but d'en extraire ce qui demeure valable et précieux eu égard aux dernières découvertes en génétique : de cette manière, il inscrit sa démarche non pas dans un changement de paradigme, mais dans une filiation par augmentation et par synthèse de ce qui cesse d'être antithétique. D'ailleurs le dernier point du chapitre conclusif consiste dans des cit. d'auteurs que l'on a connus comme de farouches partisans de l'un des deux filons, mais qui, placées dans l'anonymat, trompent le lecteur sur leur paternité : signe que ces savants eux-même eurent une pensée plus nuancée et moins manichéenne que ne leur ont prêté leurs disciples, engagés dans la simplification et la radicalisation qu'implique le choix d'un camp. Au lecteur de bonne volonté de s'orienter, outre que parmi les noms abscons des gènes, des protéines, et des processus biochimiques, dans le rapport entre telle et telle grande découverte du XXe siècle (dont, si d'aventure il a déjà entendu parler, il devra vite se remémorer en quelques pages) et les propos principal sur la dialectique gènes-environnement... Mais la prose alerte, vive et toujours légèrement ironique l'y aide énormément.

Table :

- Prologue : « Douze hommes poilus »
1. « Le parangon des animaux » (où il est question de Darwin)
2. « Une pléthore d'instincts » (où il est question de William James)
3. « Un jeu de mots bien pratique [c-à-d « nature vs. nurture »] » (où il est question de Galton)
4. « La folie des causes » (où il est question de Kraepelin et de Lorenz)
5. « Gènes dans la quatrième dimension » (où il est question de Piaget et de Lorenz)
6. « Années de formation » (où il question de Freud, et encore de Lorenz)
7. « Apprendre ses leçons » (où il est question de Pavlov et de Watson)
8. « L'énigme de la culture » (où il est question de Durkheim et de Boas, naturellement)
9. « Les sept sens du mot 'gène' » (où il est question, entre sept autres, de De Vries)
10. « Un bilan de morales paradoxales » (sept « histoires » se terminant par une « morale », cf. infra)
- Epilogue : « Homo stramineus – l'Homme de paille » (retour sur les 12 hommes à pilosité faciale, et brouillage des cartes avec les cit.)
A noter aussi, en postface, dans un dossier sur l'auteur et l'ouvrage, un très bel article synthétique sur l'amour : « Love, actually... »


Cit. :

Les 7 morales du ch. X : « Morale n° 1 : Don't be frightened of genes. They are not gods, they are cods. - Ne craignez pas les gènes : ce ne sont pas des dieux mais des rouages. 
Morale n° 2 – Les parents : Being a good parent still matters. - Être un bon parent, ça a encore son importance.
Morale n° 3 – Les pairs : Individuality is the product of aptitude reinforced by appetite – L'individualité est le produit des dispositions renforcées par les désirs.
Morale n° 4 – La méritocratie : Egalitarians should emphasise nature, snobs should emphasise nurture – Les égalitaristes devraient mettre en exergue la nature, les snobs les acquis.
Morale n° 5 – La race : The more we understand both our genes and our instincts, the less inevitable they seem. - Mieux l'on comprend à la fois nos gènes et nos instincts, moins ils ne nous semblent incontournables.
Morale n° 6 – L'individualité : Social policy must adapt to a world in which everybody is different. - Les politiques sociales doivent s'adapter à un monde où chacun est différent.
Morale n° 7 – Le libre arbitre : Free will is entirely compatible with a brain exquisitely prespecified by, and run by, genes. - Le libre arbitre est entièrement compatible avec un cerveau prédisposé et opéré par les gènes dans les moindres détails. » (pp. 250-275)

« A mouse shares much of its genetic code with a human being. Oxytocin ans vasopressin are identical in the two species and are produced in the equivalent parts of the brain. Sex causes them to be produced in the brain in both human beings and rodents. Receptors for the two hormones are virtually identical and are expressed in equivalent parts of the brain. Like those of the prairie vole, the human receptor genes (on chromosome 3) have a – smaller – insertion in their promoter regions. Like the prairie voles of Indiana, the lenghts of those promoter insertions vary from individual to individual : in the first 150 people examined, Insel found 17 different promoter lenghts. And when a person who says she (or he) is in love contemplates a picture of her loved one while sitting in a brain scanner, certain parts of her brain light up that do not light up when she looks at a picture of a mere acquaintance. Those brain parts overlap with the ones stimulated by cocaine. All this could be a complete coincidence, and human love may be entirely different from rodent pair-bonding [… !] » (pp. 46-47)

« Nurture is reversible ; nature is not. That is the reason responsible intellectuals have spent a century preferring the cheerful meliorism of environment to the bleak Calvinism of genes. But what if there were a planet where it was the other way round ? Suppose some scientists discovered a world in which lived intelligent creatures whose nurture was something they could do nothing about, whereas their genes were exquisitely sensitive to the world in which they lived.
Suppose no more. In this chapter I aim to start convincing you that you live on precisely such an invented planet. To the extent that people are products of nurture, in the narrowly parental sense of the word, they are largely the products of early and irreversible events. To the extent that they are the product of genes, they are expressing new effects right into adulthood, and often those effects are at the mercy of the way they live their lives. » (p. 151)

« If I am to sustain my argument that genes are the root of nurture as well as nature, then I must somehow explain how genes made culture possible. Once again, I intend to do so, not by proposing 'genes for' cultural practice, but by proposing the existence of genes that respond to the environment, of genes as mechanisms, not causes. [...]
I believe that the human capacity for culture comes not from some genes that co-evolved with human culture, but from a fortuitous set of preadaptations that suddenly endowed the human mind with an almost limitless capacity to accumulate and transmit ideas. Those preadaptations are underpinned by genes. » (p. 208)

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chlorine



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Posté: Jeu 15 Fév 2018 11:15
MessageSujet du message:
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Oh ça a l'air super intéressant ça, dis-donc !
Hop, sur ma wishlist, et merci pour la note de lecture !Smile
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