[Eléments d'une politique convivialiste | Alain Caillé, les Convivialistes]
Selon le "Manifeste convivialiste", publié en 2013 par Alain Caillé et co-signé par une cinquantaine d'intellectuels et de militants – parmi lesquels Patrick Viveret, Edgar Morin, Jean-Claude Guillebaud, Serge Latouche, Hervé Kempf, Susan George... –, le convivialisme peut se définir comme "un art de vivre ensemble (con-vivere) qui permet aux humains de prendre soin les uns des autres et de la Nature, sans dénier la légitimité du conflit mais en en faisant un facteur de dynamisme et de créativité. Un moyen de conjurer la violence et les pulsions de mort.". La démarche des convivialistes s'inscrit notamment dans l'héritage du penseur et précurseur de l'écologie politique Ivan Illitch, auteur notamment de "La convivialité", paru en 1973. En matière économique, les convivialistes sont particulièrement critiques envers les politiques qui prônent la croissance comme remède souverain aux maux de la société (chômage, inégalités, ...). Ils se rassemblent sur la notion de "soin des communs", c'est-à-dire la mise en œuvre de moyens économiques, juridiques, institutionnels, diplomatiques et participatifs pour préserver, développer, embellir ce que les Hommes ont en commun et qui conditionne leur vie, leur santé, leur épanouissement.
Le présent ouvrage, publié en 2016 (donc avant la présidentielle de 2017) se propose de poser les bases d'un projet convivialiste (basé sur les principes du Manifeste), en formulant des propositions concrètes dans différents domaines, notamment : économie, institutions et démocratie, éducation, justice, urbanisation, santé, Europe et mondialité. Chacun des co-signataires du Manifeste a été sollicité pour fournir 3 propositions qui lui tenaient particulièrement à cœur, à partir desquelles une synthèse a été réalisée. L'ouvrage expose d'abord cette synthèse puis l'ensemble des contributions individuelles.
Si cette synthèse, par le catalogue de mesure qu'elle présente, a parfois un petit relent de "Programme commun de la gauche" (signé en 1972 par le PS, le PCF et le MRG) où le souci écologique et le soin des communs auraient remplacé "l'appropriation collective des moyens de production", il y a néanmoins une volonté louable de relier l'utopie et le réel et de faire des propositions innovantes mais réalistes. Outre la préconisation de fournir d'autres indicateurs de richesse que le PIB pour évaluer les politiques publiques (thème cher à Patrick Viveret), j'ai noté l'intéressante proposition de faire en sorte que l'entreprise dispose désormais d'une double forme juridique : la forme actuelle (société de capitaux) et une "société à objet social étendu" qui serait comptable de son impact sur les communs (impact écologique, sociétal, innovation technique ...). Une autre idée, approfondissant la fameuse "taxe Tobin" : il s'agirait de donner de la "viscosité" aux transactions financières en appliquant une taxe sur la revente d'actions qui serait d'autant plus importante que l'action aurait été gardée peu de temps. Cette taxe serait directement versée à la société dont l'action fait partie. Ceci ayant pour but d'inciter les possesseurs d'actions à les garder plus longtemps et donc à enrayer la spéculation.
De façon générale, les convivialistes privilégient le temps long au temps court, le slow food ou les slow cities aux chaînes de fastfood ou à la multiplication des hypermarchés en périphérie des villes. Ces gens-là aiment écouter pousser les arbres et certains parviennent peut-être à entendre leurs conversations (cf La Vie secrète des arbres de Peter Wohlleben et le film qui s'en inspire "L'intelligence des arbres"). Heureusement pour eux car ils risquent d'attendre un peu avant de voir leurs solutions mise en application. Mais en attendant, leur utopie est bien rafraîchissante.
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