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Mots-clés associés à cette oeuvre : adultere, amour, bourgeoisie, bourgeoisie de province, classe sociale, conversation, crime passionnel, detachement, dialogue, drame passionel, fascination, identification, interdit, meurtre, non-dit, ouvrier, passion, rencontre, saumon
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[Moderato cantabile | Marguerite Duras] |
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Auteur |
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Message |
apo
Sexe: Inscrit le: 23 Aoû 2007 Messages: 1965 Localisation: Ile-de-France
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Posté: Mer 11 Avr 2018 22:08
Sujet du message: [Moderato cantabile | Marguerite Duras]
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Je reprends le parallèle bartokien de Claude Roy, évoqué par l'ami Andras à qui je dois en grande partie cette lecture (je l'en remercie), et je pense que Bartok illustre parfaitement la caractéristique de l'écoute musicale définie par Daniel Levitin (que je viens de lire) : une dialectique entre anticipation d'une structure mélodique reconnue et sa violation qui provoque la surprise. J'adhère également à l'idée que la lecture préalable de Le Square est presque une condition nécessaire pour la reconnaissance de la mélodie de Moderato cantabile.
Quels sont donc les éléments reconnaissables ?
D'abord le petit garçon. Ici cependant, le fils d'Anne Desbaresdes possède des fonctions narratives beaucoup plus développées que la simple interruption du dialogue entre l'homme et la femme et le rappel à celle-ci des obligations du réel. L'enfant et la contrainte sociale de la leçon de piano qui lui échoit, les réactions fines de Madame Desbaresdes face à la violence de la pédagogie de Mademoiselle Giraud dénotent d'emblée le premier aspect du bovarysme d'Anne. Surtout, il est extrêmement significatif que la chute du roman, l'ultime aspect de ce bovarysme, advienne lorsque la mère a cédé à l'injonction de la prof de piano et que le garçon n'est pas là.
L'incommunicabilité des motifs du dialogue, et son caractère elliptique. Dans ce roman, on croit longtemps avoir affaire à un dialogue de sourds, qui ne serait éventuellement qu'un prétexte à l'ivresse : Anne Desbaresdes s'obstine à demander à Chauvin les mobiles de l'assassinat de la jeune femme, Chauvin à lui parler, avec une jalousie de classe à peine dissimulée, de la villa où elle habite et de son jardin. Ce n'est qu'à la moitié du roman que l'on commence à apercevoir un premier aspect d'identification d'Anne avec la morte, alors même que, subtilement, son questionnement porte davantage sur l'intentionnalité (suicidaire assistée, pour ainsi dire) de celle-ci ; de son côté, progressivement, Chauvin révèle son véritable voyeurisme à l'égard d'Anne, et les indices qu'il livre ou invente sur la personnalité de la femme assassinée (alcoolique, adultère...) suggèrent ou renforcent l'identification d'Anne, de façon assez perverse et culpabilisante. Son dessein n'apparaît qu'à la chute, qui, comme dans Le Square, reste cependant ouverte :
« - Je voudrais que vous soyez morte, dit Chauvin.
- C'est fait, dit Anne Desbaresdes. » (p. 123).
La critique sociale. Sourdant uniquement des propos des deux protagonistes dans Le Square, en particulier de la bonne qui était témoin de la vie de la bourgeoisie, dans ce roman elle est critiquée par la description de l'auteure davantage que par les mots de Chauvin, en particulier dans le très bel avant-dernier chapitre, le VII, où il est question du dîner chez les Desbaresdes, avec sa synecdoque autour du saumon et de canard à l'orange. Sous ce même point, je place l'habileté des noms des personnages et leur usage : ainsi la protagoniste est invariablement nommée par son prénom et nom, ce qui produit un effet de longueur et une assonance qui sonnent juste, alors que de l'ouvrier chômeur, prophétiquement nommé Chauvin, nous n'apprenons le nom qu'en même temps qu'il est reconnu par elle...
Enfin le titre du roman est une antiphrase évidente – ni moderato ni a fortiori cantabile. Le petit garçon a bien raison de refuser de mémoriser ces mots !
Cit. :
« Les femmes le dévoreront jusqu'au bout. Leurs épaules nues ont la luisance et la fermeté d'une société fondée, dans ses assises, sur la certitude de son droit, et elles furent choisies à la convenance de celle-ci. La rigueur de leur éducation exige que leurs excès soient tempérés par le souci majeur de leur entretien. De celui-ci on leur en inculqua, jadis, la conscience. Elles se pourlèchent de mayonnaise, verte, comme il se doit, s'y retrouvent, y trouvent leur compte. Des hommes les regardent et se rappellent qu'elles font leur bonheur.
L'une d'elles contrevient ce soir à l'appétit général. » (pp. 103-104)
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[Moderato cantabile | Marguerite Duras] |
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Auteur |
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Message |
andras
Sexe: Inscrit le: 20 Sep 2005 Messages: 1800 Localisation: Ste Foy les Lyon (69) -- France
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Posté: Mar 16 Jan 2018 14:24
Sujet du message: [Moderato cantabile | Marguerite Duras]
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Commentaires : 4 >> |
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« Madame Bovary réécrite par Bela Bartok », c'est ainsi que Claude Roy résumait, dans un article de Libération, "Moderato Cantabile" lors de sa parution en 1958, avant d'ajouter qu'« il s'agissait avant tout, d'un roman de Marguerite Duras (qui ne ressemble finalement à personne) et de son meilleur livre ». J'aime bien la formule facétieuse de Claude Roy mais pour ma part, ce roman m'évoque davantage les tableaux d'Edward Hopper et tout particulièrement le tableau "Nighthawks", peint en 1942, où l'on voit, depuis la rue plongée dans l'obscurité de la nuit, l'intérieur illuminé d'un bar, où un homme et une femme sont accoudés au comptoir, regardant devant eux, silencieux, comme si les paroles qu'ils s'étaient échangées les ramenaient tous deux dans un autre temps ou dans un autre lieu, ailleurs.
La rencontre d'Anne Desbaresdes, la femme de directeur, et de Chauvin, l'ouvrier, dans ce café au bout de la ville où un homme a tué la veille sa maîtresse pour des raisons qu'ils vont tenter tous les deux de comprendre – et peut-être de partager –, tandis que le fils d'Anne joue seul à l'extérieur du café, cette rencontre me fait penser à l'atmosphère à la fois familière et inquiétante, et finalement tellement humaine de ce tableau de Hopper (et de bien d'autres tableaux de ce peintre). Les mots de Duras comme les silhouettes et les taches de couleur de Hopper savent si bien faire parler les silences.
Je ne saurais dire mieux que Dominique Aury, à propos de ce roman : «Modéré et chantant, peut-être, mais Moderato Cantabile est moins fait de musique et de mélodie que de lumière silencieuse, perçante et brusque comme la lumière des phares tournants; et comme la tranchante lumière laisse dans l’œil une trace de feu, Marguerite Duras laisse dans l'esprit une sourde traînée de phosphore, qui brûle. »
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[Moderato cantabile | Marguerite Duras] |
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