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[Moderato cantabile | Marguerite Duras]
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apo



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Posté: Mer 11 Avr 2018 22:08
MessageSujet du message: [Moderato cantabile | Marguerite Duras]
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Je reprends le parallèle bartokien de Claude Roy, évoqué par l'ami Andras à qui je dois en grande partie cette lecture (je l'en remercie), et je pense que Bartok illustre parfaitement la caractéristique de l'écoute musicale définie par Daniel Levitin (que je viens de lire) : une dialectique entre anticipation d'une structure mélodique reconnue et sa violation qui provoque la surprise. J'adhère également à l'idée que la lecture préalable de Le Square est presque une condition nécessaire pour la reconnaissance de la mélodie de Moderato cantabile.
Quels sont donc les éléments reconnaissables ?
D'abord le petit garçon. Ici cependant, le fils d'Anne Desbaresdes possède des fonctions narratives beaucoup plus développées que la simple interruption du dialogue entre l'homme et la femme et le rappel à celle-ci des obligations du réel. L'enfant et la contrainte sociale de la leçon de piano qui lui échoit, les réactions fines de Madame Desbaresdes face à la violence de la pédagogie de Mademoiselle Giraud dénotent d'emblée le premier aspect du bovarysme d'Anne. Surtout, il est extrêmement significatif que la chute du roman, l'ultime aspect de ce bovarysme, advienne lorsque la mère a cédé à l'injonction de la prof de piano et que le garçon n'est pas là.
L'incommunicabilité des motifs du dialogue, et son caractère elliptique. Dans ce roman, on croit longtemps avoir affaire à un dialogue de sourds, qui ne serait éventuellement qu'un prétexte à l'ivresse : Anne Desbaresdes s'obstine à demander à Chauvin les mobiles de l'assassinat de la jeune femme, Chauvin à lui parler, avec une jalousie de classe à peine dissimulée, de la villa où elle habite et de son jardin. Ce n'est qu'à la moitié du roman que l'on commence à apercevoir un premier aspect d'identification d'Anne avec la morte, alors même que, subtilement, son questionnement porte davantage sur l'intentionnalité (suicidaire assistée, pour ainsi dire) de celle-ci ; de son côté, progressivement, Chauvin révèle son véritable voyeurisme à l'égard d'Anne, et les indices qu'il livre ou invente sur la personnalité de la femme assassinée (alcoolique, adultère...) suggèrent ou renforcent l'identification d'Anne, de façon assez perverse et culpabilisante. Son dessein n'apparaît qu'à la chute, qui, comme dans Le Square, reste cependant ouverte :
« - Je voudrais que vous soyez morte, dit Chauvin.
- C'est fait, dit Anne Desbaresdes. » (p. 123).
La critique sociale. Sourdant uniquement des propos des deux protagonistes dans Le Square, en particulier de la bonne qui était témoin de la vie de la bourgeoisie, dans ce roman elle est critiquée par la description de l'auteure davantage que par les mots de Chauvin, en particulier dans le très bel avant-dernier chapitre, le VII, où il est question du dîner chez les Desbaresdes, avec sa synecdoque autour du saumon et de canard à l'orange. Sous ce même point, je place l'habileté des noms des personnages et leur usage : ainsi la protagoniste est invariablement nommée par son prénom et nom, ce qui produit un effet de longueur et une assonance qui sonnent juste, alors que de l'ouvrier chômeur, prophétiquement nommé Chauvin, nous n'apprenons le nom qu'en même temps qu'il est reconnu par elle...
Enfin le titre du roman est une antiphrase évidente – ni moderato ni a fortiori cantabile. Le petit garçon a bien raison de refuser de mémoriser ces mots !


Cit. :

« Les femmes le dévoreront jusqu'au bout. Leurs épaules nues ont la luisance et la fermeté d'une société fondée, dans ses assises, sur la certitude de son droit, et elles furent choisies à la convenance de celle-ci. La rigueur de leur éducation exige que leurs excès soient tempérés par le souci majeur de leur entretien. De celui-ci on leur en inculqua, jadis, la conscience. Elles se pourlèchent de mayonnaise, verte, comme il se doit, s'y retrouvent, y trouvent leur compte. Des hommes les regardent et se rappellent qu'elles font leur bonheur.
L'une d'elles contrevient ce soir à l'appétit général. » (pp. 103-104)

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