2 livres correspondent à cette oeuvre.
Il y a actuellement 2 notes de lecture correspondant à cette oeuvre (voir ci-dessous).
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apo
Sexe: Inscrit le: 23 Aoû 2007 Messages: 1954 Localisation: Ile-de-France
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Posté: Lun 18 Jan 2016 21:36
Sujet du message:
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[lecture facilitée par l'ami Le régent, que je remercie, et dont je renvoie à la très complète note de lecture.]
L'approche psychologique (avant même que psychanalytique) aux effets de la crise économique sur le psychisme de ses victimes, c'est d'abord la dénonciation des raisons et des effets du silence sur, voire du déni de l'existence de tels effets.
C'est ensuite de partir de l'axiome suivant : "la vie sociale ne relève pas pour un être humain de l'avoir, mais de l'être" (p. 39) ; sa privation par effet de la perte d'une activité professionnelle affecte donc l'être psychique du chômeur, notamment en termes de culpabilisation et de honte. Pour son entourage, pris de peur projective, elle se décline en rejet et en haine.
Les deux premières parties de l'ouvrage, pour moi les plus intéressantes, tracent, à partir de l'enfance et particulièrement de l'entrée à l'école, le parcours créateur des deux "branches de la colonne vertébrale psychique", la branche privée fondée sur l'affectif et la branche sociale fondée sur "le faire". L'image de soi, l'estime de soi, à travers l'école et ensuite par transposition identique dans le lieu de travail, sont redevables de cette logique du "faire" qui est mise à mal à la fois par une recherche d'emploi frustrante et éventuellement révisée à la baisse, par l'injonction "c'est ça ou rien !" et a fortiori par la "mise à mort sociale" que constitue le chômage.
Il est toujours important, dans cet ouvrage, de tenir compte à la fois des effets avérés de la crise - chômage, pauvreté, précarité, perte de logement, malnutrition - et des craintes de sombrer un jour dans une telle situation ; de la même manière, la psychologue tient compte autant de la représentation individuelle de tels événements et peurs que de l'évolution des représentations sociales desdits, qui hélas vont dans le sens d'une culpabilisation croissante des victimes, d'une désolidarisation avec elles, ces involutions comportant enfin des conséquences politiques dangereuses et de mauvaise foi.
La cinquième et dernière partie affronte de façon assez inattendue la question du "silence face à la crise". En effet s'opère un retour sur la sphère du privé "otage de la crise", en particulier au sein des familles et de la vie de couple, avec différentes facettes des non-dits, et enfin dans le silence public est analysé celui des politiques et celui des "psys" sur des tons aussi engagés dans les deux cas.
Le style de l'ouvrage est à la fois très discursif, d'accès aisé (phrases claires, plan lisible, typographie aérée), au ton qui évite autant que possible la polémique, qui privilégie des observations irréfutables avec parfois des données quantitatives à l'appui (surtout concernant la hausse de la pauvreté), et en même temps fort d'un engagement appuyé, en particulier dans sa démarche et dans ses conclusions.
Je vais imiter Le Régent, en concluant ma note sur une petite observation tout à fait marginale dans l'argumentation du livre, peut-être même relevant de la note de bas de page comme la sienne, motivée par ma propre réflexion plus que par la démonstration de l'auteure : ce qui relierait les deux branches de la colonne vertébrale psychique, ce serait ce questionnement très précoce de l'enfant sur les conséquences de son existence sur le bonheur du monde (d'abord celui de ses parents, s'ils l'ont désiré). Ce qui peut faire défaut aussi bien dans la branche privée que dans la branche sociale, notamment en cas de chômage, ce qui fait in fine s'écrouler l'édifice psychique individuel, c'est le basculement de la réponse à ce questionnement très archaïque. D'où la hausse vertigineuse des suicides en temps de crise.
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[Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Faire face à la cr...] |
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le_regent
Sexe: Inscrit le: 13 Oct 2011 Messages: 174 Localisation: sud du Cher
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Posté: Sam 01 Nov 2014 11:15
Sujet du message: [Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Faire face à la cr...]
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Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Faire face à la crise et résister / Halmos Claude. – Librairie Arthème Fayard, 2014. – 283 p. – ISBN 978-2-213-68099-6
J'avais prévu de rédiger des notes de lecture sur quelques livres que j'ai lus récemment. Aussi, j'ai hésité quand ma fille aînée m'a proposé de lire celui-ci maintenant, car elle ne pouvait le laisser à ma disposition que brièvement. J'avais bien tort d'hésiter. Ce dernier et tout récent ouvrage de Claude Halmos a été pour moi une lecture aussi marquante que celle des deux livres de Stéphane Beaud sur lesquels j'ai écrit une note de lecture voici quelque temps. Ce que je trouve passionnant dans ces trois livres, c'est que le travail du sociologue comme celui de la psychologue nous permettent de saisir concrètement comment s'entre-déterminent les faits sociaux et le fonctionnement psychique des individus.
Claude Halmos défend l'idée que la crise économique engendre des souffrances psychologiques qui ne doivent pas être comprises comme le produit de faiblesses, d'incapacités personnelles de ceux qui les éprouvent, mais comme le produit de la réalité sociale « corrosive » (le qualificatif n'est pas d'elle) qu'ils subissent. Elle a plusieurs fois recours à l'image de la vie dans un pays en guerre pour nous inviter à ne pas sous-estimer le caractère pathogène de la vie dans un pays en crise.
Claude Halmos est une psychanalyste, formée par Jacques Lacan et Françoise Dolto, mais si elle utilise les mots de narcissisme, de transfert, de fantasme, ses descriptions de la construction de l'être social, de la petite enfance à l'âge adulte, ses descriptions des effets délétères de la situation de demandeur d'emploi, des effets délétères de la pauvreté sont faites avec une grande clarté et ne supposent pas l'adhésion à une théorie psychologique particulière.
Elle note combien les souffrances des victimes de la crise sont aggravées par « l'évaporation » des organisations qui donnaient un sens à ces souffrances en les caractérisant comme une injustice sociale et en proposant des luttes collectives pour y faire face. Aujourd'hui, au contraire : « Certains […] ne cessent, prenant pour cible les salariés, de donner d'eux l'image d'une peuplade dont la caractéristique principale serait d'être particulièrement réfractaire au travail et à l'effort. Cette croyance explique l'image des chômeurs, conçus, dans cette optique, comme les plus fainéants, les plus scandaleusement fainéants des fainéants. Des fainéants qu'il conviendrait évidemment de sanctionner. »
Claude Halmos indique ce qui lui semble être le devoir des « psys » aujourd'hui : « Les psychanalystes n'ont ni le pouvoir de changer la réalité à laquelle leurs patients sont confrontés, ni celui de faire disparaître les malheurs du monde. Ils n'ont qu'un pouvoir, celui de dire […] Il faut sortir du silence. Parler. Parler pour faire comprendre à ceux que la crise maltraite que leurs souffrances psychologiques sont, étant donné leurs difficultés matérielles, normales. Et que ces difficultés ne sont ni de leur faute ni même de leur fait, car les salariés ne sont pas plus responsables de la baisse de leurs revenus que les chômeurs ne le sont de la perte de leur emploi ou les personnes pauvres de leur pauvreté. Il faut parler pour rendre à ces victimes de la crise la parole et leur permettre ainsi de relever la tête, de sortir de la honte et, par là même, de la solitude et de l'isolement dont elles sont prisonnières. Il faut parler, aussi, pour que la société accepte enfin d'entendre leur parole, leur donne la place à laquelle elles ont droit et reconnaisse la nécessité de prendre en charge leurs douleurs. »
Mon enthousiasme pour ce livre ne supprime pas pour autant ma capacité de distanciation critique. Claude Halmos affirme, après Françoise Dolto : « les enfants – l'expérience psychanalytique le prouve – savent toujours (même – et surtout – si on le leur a caché) tout ce qui, de près ou de loin, les concerne ». Des éléments de mon histoire personnelle me conduisent à affirmer que cela ne correspond pas à la réalité, même s'il est hors de doute que secrets et non-dits soient potentiellement délétères.
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