Les bas fonds de San Francisco
Avec leurs interrogatoires expéditifs et les renseignements recueillis à chaud sous les marrons, les rangers se rapprochent de la demeure du sénateur Shawcross à San Francisco, épicentre de la tourmente orchestrée par El Supremo. L’ex général mexicain a décidé d’exercer un chantage sur l’homme politique influant en kidnappant sa fille Helen. Nick Castle, mercenaire gringo sans scrupule s’est chargé de la besogne. Kit Willer et Donen, un déserteur repenti, s’embarquent in extremis sur le bateau en partance pour l’île brumeuse où demeure El Supremo et sa troupe mais pour déloger les hommes de main aguerris et dévoués d’El Supremo d’une île quasi inaccessible et d’une forteresse inexpugnable, il faudra aux rangers bien plus que leur astuce et leur courage.
L’aventure palpitante se développe dans la direction du repaire du cruel général mexicain assoiffé de pouvoir. Le dessinateur reste constant quant à la qualité de sa production courant sur 411 pages. La conclusion surprenante se fera dans le n° 640. Il aura fallu à Maurizio Dotti deux années (2011-2013) pour mener à bien sa production d’une grande qualité.

Les tireurs d’élite
Après le massacre d’une escorte de jeunes soldats par les mercenaires d’El Supremo s’emparant d’une cargaison d’armes, Kit Willer et Tiger Jack suivent les traces des assassins dans le désert pendant que Tex Willer et Kit Carson se rendent à Fort Cerro d’où sont parties les recrues inexpérimentées pour une mission suicide. De part et d’autre, les rangers soulèvent des lièvres sous les feux nourris des Mexicains et des soldats américains attirés par le mirage politique d’El Supremo.
Le deuxième volet ne déçoit pas tant l’action rythme le récit alors que le dictateur militaire dévoile sa face sadique et intransigeante. Le multiplicité des personnages agrémente l’histoire et ajoute au plaisir de lecture. Maurizio Dotti continue sur sa lancée impériale, cadrant en maître, jouant sur les plans et les perspectives, réalisant avec brio les visages et les paysages. Nonobstant une mission quasi impossible, les rangers avancent à poings fermés vers le repaire de crotales, obstinés, farouches, et redoutables. La suite s’épanouit dans le n° 639. Le lecteur aimerait que l’histoire s’étende encore davantage mais la classe des auteurs réside aussi dans leur capacité à clore un récit pourtant palpitant sans s’éterniser.

El Supremo
En Basse-Californie, dans un pueblo abandonné, Alonso Aguilar apprécie la torture et la pendaison d’un déserteur qu’il soupçonne d’être aussi un agent infiltré. Agissant pour le compte de leur ami, le gouverneur mexicain Montales, Tex Willer, Kit Carson, secondés par Kit Willer et Tiger Jack interviennent in extremis, réduisant la bande de mercenaires à un seul prisonnier mais à leur tour ils sont pris en chasse par une seconde troupe de Mexicains déterminés et disciplinés. Les paramilitaires sont à la solde d’un ex-officier mexicain, Reynaldo Casamayor se faisant appeler « El Supremo ». Conforté par de solides appuis politiques, il espère prendre possession du Sonora et de la Basse-Californie.
Le scénario de Mauro Boselli privilégie l’action mais ne néglige pas les manigances et manipulations politiques, exposant une riche galerie de personnages tous superbement mis en mouvement. Maurizio Dotti (né en 1958) est un dessinateur transalpin dont le graphisme frise souvent l’excellence notamment dans le rendu d’actions nocturnes parfaitement construites et lisibles où des spots de lumière lunaire étirent les ombres et flashent les visages. L’histoire se développe dans les nos 638 et 639 pour se conclure dans la première partie du n° 640.

Cornaqués par Jose Gaban, un Mexicain douteux, Tex Willer et Kit Carson cherchent à atteindre, dans la sierra Amarilla, un groupe d’Indiens en affaire avec la bande de Morientes dans laquelle officie Moon, perfide scélérat et assassin patenté. Roy Bean s’est rendu à San Antonio où se produit son idole, Lillie Langtry mais le juge est attiré dans un piège. Morientes et sa clique vont le torturer afin de savoir où se trouve le matelas de dollars qu’il a subtilisé à un malfrat. Si Bean ne crache pas le morceau, un tueur posté dans la salle de spectacle tuera l’actrice anglaise si un autre comparse ne vient le prévenir entretemps que Bean a fourni les bons renseignements. Pour les rangers comme pour Bean, la partie est rude et plutôt mal engagée.
Ce deuxième opus est mieux rythmé que l’épisode précédent (voir n° 635) et apporte un double dénouement surprenant. Les scènes d’action scandent un récit tendu vers un piège simple mais efficace. Une ambiance crépusculaire baigne toute l’histoire. Frisenda a déployé une galerie de trognes grimaçantes et convaincantes. Les dix dernières pages révèlent le grand talent du dessinateur (découpage, cadrage, ellipse et graphisme irréprochables).

Langtry, lieu-dit créé par la compagnie ferroviaire américaine Southern Pacific où le juge Roy Bean a ouvert un saloon, voit débarquer les deux rangers texans à la poursuite de Moon, un bandit coriace et intrépide. Tex et Kit neutralisent le malfrat et Bean le fait emprisonner. Si le juge Bean représente la loi à l’Ouest du Pecos c’est que la contrée au-delà de l’affluent du Rio Grande est encore considérée comme sauvage c’est-à-dire rétive à toute loi codifiée. D’ailleurs, Roy Bean l’interprète à sa manière. Il a pendu haut et court le responsable d’un hold-up et il a fait main-basse sur le magot volé. C’est peu dire qu’une bande de desperados en provenance du Mexique veut récupérer le butin, qu’elle est peu amène et déterminée.
Le scénariste Mauro Boselli revisite la figure historique du juge Roy Bean en la croisant avec une fiction plausible où les malfrats mènent le bal, indifférents au couperet de la loi mais sensibles à la perforation des balles. Lillie Langtry, la belle et célèbre actrice britannique trouve naturellement sa place dans le récit même si elle n’apparaît pas en personne dans le premier opus. Pasquale Frisenda est aux pinceaux et à la plume. Pas toujours enthousiasmant dans le rendu des visages, le dessinateur transalpin frise l’excellence dans la restitution des paysages et des atmosphères. Les scènes nocturnes sont époustouflantes de maestria. La science des cadrages est évidente à l’exemple de la première page où les vautours tournoient au-dessus d’un cadavre.

Afin de soustraire Jared, son fils adoré, des accusations d’homicides portées à son encontre, son père, Charles Damon sollicite les services de Nick Favor, redoutable pistolero entouré d’une solide bande de tueurs tous dévoués à leur apôtre de la mort. Il faudra toute l’astuce, la détermination, le courage et la dextérité des rangers pour tenter de juguler la faucheuse en marche. Dans la ville de Tombstone tenue en sous-main par le clan Damon, il y a peu d’aide à attendre. La furia des mercenaires peut alors s’exprimer pleinement.
Mauro Boselli a concocté une solide et classique histoire de règlement de comptes à Tombstone mais la palme revient sans conteste au dessinateur transalpin Gianluca Acciarino peu connu en France car hormis la réalisation du tome 3 de la série Succubes, ses œuvres sortent à peine des frontières italiennes. Sa science du cadrage et son graphisme souple, rond, précis, capable en un plein et délié ajustés de cerner avec justesse et élégance les courbes féminines ou les traits des visages restituent le mouvement dans l’élan incarné des personnages. Les femmes sont constamment agréables à regarder sous toutes les coutures. L’auteur a un sens remarquable du détail et les décors bénéficient d’un soin particulier. Une nouvelle fois l’Italie et la série Tex mensuel laissent émerger une pointure du 9e art.

Aux marches du désert, la modeste ferme de Luke Porter porte ombrage à l’omnipotente famille Jared. Accusé à tort de voleur de bétail, Luke est pendu haut et court sans autre forme de procès, dans la cour de son ranch, au vu et su de sa femme et de leur jeune fils. Le visage d’ange de Jared Damon du ranch du « Lazy D » ne peut dissimuler son regard diabolique. Il est l’instigateur de cette tuerie inique. L’Epitaph, journal indépendant de Tombstone tenu par Franck Banyon relate le crime impuni au grand dam des Damon. Banyon est abattu en pleine ville après son travail par un bandit masqué. Apprenant la mort mystérieuse de Frank Banyon, Tex Willer décide de sortir de sa réserve navajo pour se rendre à Tombstone afin d’élucider l’affaire. Fortuitement, Tex, son fils et Kit Carson vont découvrir sur le terrain les méthodes musclées des sbires du « Lazy D ». Tex remet un peu d’ordre en pointant quelques vilaines trognes au passage. Le père de Jared, Charles Damon est prévenu que son règne est remis en question. Déterminé à conserver ses prérogatives, son ascendant et à assurer la protection de son fils bien-aimé, Charles décide de s’adresser à un professionnel du crime.
Trame scénaristique classique qui se clôt dans le n° 634, l’histoire se découvre avec plaisir. Elle est cependant largement rehaussée par le dessin clair, précis, élégant de Gianluca Acciarino. Comme à son habitude, Claudio Villa réalise de superbes couvertures couleur.