Être facilement compris de ses lecteurs ne semble pas avoir été la principale préoccupation de William Faulkner.. Dans "Le bruit et la fureur" encore moins que dans certains de ses autres romans.
Voilà un texte propre à décourager les plus persévérants. Pourtant adepte de l'auteur, j'avoue avoir moi-même été sérieusement déroutée par le caractère a priori insaisissable de ce récit.
Jugez plutôt : vous vous trouvez littéralement plongé dans l'esprit d'un idiot -qui ne l'est pas tant que ça- dont vous ne comprenez pas vraiment s'il a treize ou trente ans, tentant de suivre le fil de ses pensées décousues, interrompues, emmêlées, ses souvenirs et sa perception chaotique du présent formant un curieux magma.
Ajoutez à cela que certains des personnages évoqués dans ces pensées portent le même prénom (dont deux de sexe différent, qui s’appellent Quentin), et que l'auteur, histoire de nous embrouiller un peu plus -alors qu'à ce stade, on nage déjà dans la confusion la plus totale-, date de jours précis chacun de ses chapitres, pour en réalité y intégrer des flash-backs qui, en nous faisant perdre tout repère chronologique, finissent de nous déboussoler complètement !
Vous savez ce qui m'a sauvée ? C'est la préface... je ne lis quasiment jamais les préfaces, et surtout pas avant de découvrir les romans auxquels elles se rapportent. Mais là, j'avais besoin d'un joker !! Et c'était finalement un bon réflexe. Même si elle ne rend pas le récit limpide, la préface permet de saisir les liens entre ses différents protagonistes, et d'avoir une idée globale de sa chronologie.
J'ai ainsi pu continuer ma lecture mieux éclairée, les différents puzzles de l'intrigue s'emboitant ensuite peu à peu, plusieurs narrateurs se succédant, dont la relation devient de plus en plus linéaire, même si cela reste du linéaire faulknérien, et donc forcément relatif... Parce que la principale préoccupation de William Faulkner fut, me semble-t-il, de retranscrire le plus fidèlement possible les pensées de ses héros, avec ce que cela suppose de désordre, d'illogisme. Il rapporte ainsi une sorte de cacophonie mentale, une logorrhée intérieure bruyante et furieuse, en effet, qui, si elle peut rebuter le lecteur non averti, possède en même temps une force qui le touche presque malgré lui.
Sinon, de quoi ça parle ? Bah, des années 30 dans le sud des États-Unis, au sein d'une famille de blancs qui se croit marquée du sceau de la malédiction, de ses tragédies, des rapports troubles qui lient ses membres, des sentiments intenses -haine, culpabilisation...- qui les animent. Ça parle aussi de la famille noire qui est à son service, de la relation étrange créée entre les deux "clans" par les années de cohabitation, entre besoin et condescendance, familiarité et domination...
Du Faulkner, quoi...
Bon, soyons honnêtes : si vous souhaitez découvrir cet auteur génial, ne commencez pas par "Le bruit et la fureur", mais lisez-le quand même...
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