En 2002 parut « L’obsession anti-américaine, son fonctionnement, ses causes, ses inconséquences » de Jean-François Revel. On a pu s'étonner de l'accueil discret que lui réservèrent les médias et les intellectuels qui font notre quotidien.
Pourtant Revel (1924-2006) ne propose pas un livre tiède et peu argumenté. Au contraire : il y développe tout un argumentaire étayé et use volontiers d'un ton polémique. Aurait-il vexé ?
Quoi qu'il en soit le regretté philosophe et partisan du libéralisme a voulu démontrer qu'il existait en France un sentiment anti-américain largement entretenu par les intellectuels et les médias, qu'en aucune façon il n'était l'expression réelle d'un sentiment populaire.
D'autre part le pugnace polémiste, souligne que ce sentiment anti-américain était souvent contradictoire et loin de la réalité observable (les faits, les actes, les engagements).
Ce sentiment anti-américain s'articule autour de la dénonciation de la prépondérance des Etats-Unis, son interventionnisme sur tous les fronts et son modèle unilatéral de mondialisation, sans parler du danger pour la démocratie que représente un Etat sans réel contre-pouvoir.
Mais, comme le prouve Revel, les contempteurs des Etats-Unis confondent – parfois volontairement - « la conséquence et la cause ”.
En effet, c'est parce que les autres puissances ont été muettes, insuffisantes ou sans force intrinsèque que les Etats-Unis ont dominé de facto dans les domaines économique,financier, scientifique, politique, diplomatique et stratégique, de la défense active et passive, etc.
L'Europe n'a guère avancé depuis la fin de la seconde guerre mondiale. L'Europe, c'est deux guerres mondiales, deux mondes totalitaires et meurtriers ! Cinquante ans après, et malgré l'aide américaine (plan Marshall) qui a permis son rétablissement économique après 45, l'Europe (lUnion européenne) n'est toujours pas l'expression d'un projet politique commun. Elle reste frileuse, anémiée, sans force ni volonté politique réels et son agrandissement n'arrange rien. Comment alors accuser les Etats-Unis de se trouver en situation de super voire d'hyper-puissance ? Doit-elle se retirer, alors même quelle ne cesse d'être sollicitée ?
D'autant que l'effondrement du bloc soviétique n'est pas la conséquence de sa défaite sur les Etats-Unis : certes, la compétition, l'affrontement ont existé entre ces deux grandes puissances et même la « guerre froide ».
Cependant, c'est une fois encore oublier la cause fondamentale de sa faillite qui est consubstantielle à sa création et à son fonctionnement : on ne peut forcer l'Histoire et l'humanité à vivre continuellement dans un régime oppressif et économiquement « hors-sol », hors économie réelle.
Quant au mouvement anti-mondialisation - que beaucoup d'intellectuels et les médias dominants voient d'un bon oeil et c'est un euphémisme -, Jean-François Revel en dénonce l'anti-américanisme viscéral et l'anti-économisme.
Si la remise en cause de la mondialisation équivaut à assimiler libéralisme, mondialisation avec « régression économique et misère populaire », c'est intellectuellement et économiquement inconséquent et malhonnête.
En effet, c'est au résultat inverse qu'on assiste. Partout la mondialisation est responsable de la réduction des inégalités. L'Amérique peut légitimement se prévaloir d'être à la tête de ce progrès mondial. Pourquoi alors devrait-elle sempiternellement se couvrir la tête de cendres !
Le cas de l'Afrique est à isoler cependant, non que les Etats-Unis soient à stigmatiser, mais parce que les pays concernés ont des systèmes étatiques et dissolus mis en place et encore soutenus encore maintenant par les puissances... européennes (France, par exemple) ainsi que chinoises.
Pour ce qui est du danger sur la démocratie et ses valeurs que feraient courir les Etats-Unis, c'est une curieuse vision du monde, à moins que cela dénote une nostalgie tenace pour des Etats dont l'idéologie appliquée a fait des millions de morts, et engendré la privation du plus grand nombre au profit d'une classe appelée « dirigeants du parti » !
Voilà quelques arguments que défend Revel. Ajoutons à cela que l'intérêt de ce livre réside aussi dans son ton alerte, polémique, parfois mordant mais toujours respectueux du lecteur et de ses opinions.
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