August Brill, vieux critique littéraire retraité, vit avec sa fille divorcée et sa petite-fille dont le petit ami vient de mourir. La nuit, allongé sur son lit sans pouvoir trouver le sommeil, il s'invente des histoires pour ne pas ressasser ses propres souvenirs...

Je ne reviendrai pas là-dessus, Paul Auster est décidément un génie. La lecture par Auster lui-même du premier chapitre de ce roman en janvier dernier m'avait un peu interloquée. C'était "bizarre". En fait, cette histoire démarre doucement, dans une rêverie d'August, qui imagine un monde parallèle et une guerre civile américaine. Mais la rêverie s'interrompt pour passer au champ du souvenir et les allers-retours de l'imagination de Brill m'ont porté sans jamais me perdre. J'ai laissé, comme ce personnage, vagabonder mon esprit, d'un souvenir à l'autre, d'une rêverie à l'autre, tout en retrouvant les thèmes chers à l'auteur (le passé, la mémoire, les relations écrivain/personnage...). C'était parfait, jamais ennuyeux, toujours magnifiquement écrit. Merci.

Un homme âgé souffre d'insomnie et dans ces heures interminables dans le noir, il invente des histoires pour ne plus penser aux événements dramatiques de sa vie. Dans sa fantaisie, il imagine une Amérique déchiquetée par une guerre civile où ne se sont jamais produites les attaques des tours Jumelles et la guerre en Iraq.
La narration est prenante et intéressante. Le récit réel et celui fantastique se tressent jusqu'à ce que le protagoniste ne puisse plus fuir ses expériences douloureuses qui se profilent sur l'histoire dramatique de l'Amérique des années 2000.
Écrit dans un style rigoureux, le roman offre une lecture passionnante surtout pour la considération de l'auteur sur l'histoire, l'humanité et l'existence.

Voici encore un livre de paul auster qui ne m'a pas déçue : des histoires imbriquées les unes dans les autres qui ne finissent pas forcément bien sortent de l'imagination du narrateur insomniaque. C'est un prétexte à une critique de la guerre en Irak menée par les Américains. J'aime beaucoup les relations que ce grand-père entretient dans la vraie vie avec sa petite fille , les commentaires qu'ils font sur les films qu'ils voient. Finalement, lire c'est aussi un peu aller au cinéma. L'évocation de ses souvenirs d'homme volage qui renoue avec son ex-femme le jour de mariage de leur fille est aussi trsè touchante.

Bref, beaucoup de plaisir à lire ce livre !

Alors que dans son précédent livre, "Dans le scriptorium", Auster campait un auteur qui tentait vainement de se remémorer les romans qu'il avait écrits, ce livre-ci est écrit à la première personne par un écrivain au terme de sa vie dont les souvenirs l'empêchent de trouver le sommeil. Alors, au coeur de la nuit, August Brill - c'est son nom - invente dans sa tête une histoire qui se déroule en Amérique de nos jours, mais une Amérique qui serait livrée à une nouvelle guerre civile. Pour mettre fin à cette guerre, Brick, le "héros" de cette histoire est chargé par de mystérieux commanditaires d'assassiner l'écrivain qui en est l'auteur, c'est-à-dire Brill lui-même. Scénario intriguant digne d'un Philip K. Dick. Mais Auster, comme dans plusieurs de ces derniers livres (notamment le très frustrant "La nuit de l'Oracle") se retient de "croire" en l'histoire que son personnage invente. Il s'intéresse davantage aux ratés de la fiction qu'à la fiction elle-même. On pourrait résumer brutalement en disant qu'il "tourne autour du pot" mais ce serait injuste car il y aussi quelque chose de fascinant dans son écriture que je ne saurais décrire que par cette métaphore : Auster jongle superbement avec les mots et avec les livres. Comme devant un spectacle de jonglage, on se dit parfois que c'est un peu vain, pourquoi faut-il ajouter une balle de plus, ou encore une quille ? Mais on ne peut s'empêcher de regarder - et ici de lire -, fasciné.

Commentaires de Gérard :
Fondé sur l'idée que des mondes parallèles, où nous intervenons nous-mêmes, sont créés par nos pensées (chacun vit-il dans son monde particulier ?), ce roman me paraissait très original, mais il m'a un peu déçu car il aurait pu avoir une structure beaucoup plus récursive. Au contraire, la première moitié se termine de façon assez simpliste et brutale. Toutes ces pensées s'articulent avec la réalité et on passe souvent du coq à l'âne.
La seconde moitié, plus classique et intimiste, explicite les souvenirs du grand-père à sa petite-fille ; tout cela se passant pendant une nuit d'insomnie.
Globalement, ce roman transmet des idées fondamentales pour Auster, en particulier son horreur de la guerre, de la violence et du terrorisme.
Un bon livre mais qui aurait pu être mieux travaillé...

et de C-Maupin :
Un livre ? Plutôt deux, sans grand rapport entre eux.
Le premier, dans la lignées des livres de P. Auster que j'avais déjà lus où l'on ne voit plus bien la frontière entre la réalité et la fiction, mais qui se termine de manière bien moins déconcertante que les autres et bien plus satisfaisante pour la logique, mais est-ce le but recherché ?
Le second, une histoire d'amour magnifique, plongée dans la vie avec ses erreurs et ses drames et, malgré le mal omniprésent, une grande bouffée d'espoir

En grande austérienne, j'attendais avec impatience le dernier roman du grand auteur new yorkais... Une construction habile, une réflexion à la fois inquiétante et pertinente sur l'Amérique de Bush, l'Amérique du 11/09 où la guerre civile sévit. Mais c'est surtout une plongée au coeur des maux de tous les hommes que nous propose ici Auster : les maux familiaux, les maux du protagoniste cloué sur son lit entouré de sa fille et de sa petite fille toutes deux blessées par la vie ; les maux de notre temps donc ; mais aussi le Mal absolu au travers des récits de morts atroces (en Irak, à Birkenau... ) ; un roman... très noir où l'optimisme n'affleure que dans la réflexion menée depuis si longtemps sur l'impact des fictions dans nos existences, l'entremêlement entre vie et songes, la construction de la littérature. Un roman qu'il faut relire tant la construction concentrique -hommage à Dante -et les effets d'écho dans ces vies parallèles au coeur de sa thématique nous donnent à chercher les clés de cette chambre noire... la chambre de l'écrivain.