Les fusils de Shannon.
Ken, l'Irlandais au grand coeur, travaille dur au débitage du bois. Il économise pour payer le voyage à sa femme restée au pays. Au petit matin, il est retrouvé mort, flottant près de la rive, le béret d'Ivan, le Russe irascible avec qui Ken a eu un différend la veille. Ivan demeure introuvable. Coupable désigné d'office, il se fait prendre et devrait être remis aux mains de la justice mais Jody, le gamin à tout faire du chantier, a tout vu. Il va confondre l'assassin malgré la peur des représailles.
Le scénariste Claudio Nizzi s'est évertué à faire passer les rangers pour des quasi touristes en les reléguant à la marge de l'histoire, les dépouillant de leurs attributs vestimentaires et de leurs noms. C'est lorsque le vent tourne et que le saboteur et tueur est démasqué que les deux compères rendossent leurs tenues, retrouvent leurs colts et reprennent en main les choses pour les reconfigurer à leur sauce épicée aux pruneaux. Andrea Venturi dessine d'un trait franc et frais, à l'ancienne. Il ne sait pas encore composer des mines patibulaires et de fait trompe le lecteur habitué à dénicher le méchant avec son faciès coupable. On sent l'allégresse des trois compères, Tex, Kit et Gros-Jean, dans la dernière image, marcher ensemble vers une bonne bière fraîche.

Les forêts de l'Oregon.
Dans les forêts de l'Oregon, Luc Leroux voit sa scierie compromise. Un mystérieux saboteur provoque des accidents mortels. Gros-Jean, ami de Leroux, appelle ses vieux potes Tex Willer et Kit Carson à la rescousse. Les rangers troquent leur panoplie de cowboys pour des habits de travailleurs. En intégrant l'équipe de bûcherons, ils vont tenter de dénicher le coupable mais les pistes sont minces et l'étau se resserre quand un nouveau crime est commis.
Claudio Nizzi, en scénariste chevronné, plonge Willer et Carson dans une aventure presque en huis-clos, sur le chantier d'une scierie en pleine montagne. En les dépouillant de leurs vêtements emblématiques, il les dépossède aussi de leurs méthodes et de leur prestige. Tex Willer n'est plus Aquila della notte. Ils doivent développer d'autres méthodes d'investigation. Ils se fondent dans l'équipe d'ouvriers, travaillent, observent, étudient mais ne semblent guère progresser tant l'ennemi invisible demeure prudent et retors. Andrea Venturi, dessinateur transalpin né à Bologne en 1963, travaille sur les aventures de Tex depuis 1996. Son trait précis recherche la vivacité et l'expressivité. Les cadrages en contre-plongée dynamisent l'action. Venu de la publicité, Venturi vise l'efficacité et la lisibilité.

Le serpent à plumes.
George Buchanan, esthète voyou, barrique à canon, n’hésite pas à soudoyer, molester ou exécuter quiconque interfère dans ses projets d’enrichissement illégaux. Avec ses sbires à l’affût et à l’écoute, il dispose d’un réseau d’informations apte à l’aiguiller avec toujours une longueur d’avance. Le trafiquant d’art américain fait espionner Tex, Carson et le professeur Doberado, bénéficiant à leur insu des découvertes qu’ils effectuent dans la chasse au trésor du dernier empereur aztèque. Les rangers et l’universitaire embarquent sur une montgolfière en direction du golfe de Californie. Parmi le chapelet d’îles inhabitées, l’une d’elles recèle l’antique or dissimulé à l’avidité des conquistadores mais Buchanan est à l’affût et en mesure d’éliminer toute personne se mettant en travers de son chemin.
Le 3e numéro du Tex mensuel clôt l’histoire sur le registre de l’aventure, mêlant les Cinq semaines en ballon de Jules Verne à l’Île mystérieuse. Le scénariste Claudio Nizzi sait utiliser à bon escient tous les ressorts classiques et forcément attendus destinés à booster l’histoire. La tempête qui malmène la montgolfière, la grotte aménagée et piégée, la rencontre avec des Indiens Yaquis sont presque des passages obligés qui ajoutent toujours à la sucrerie du moment le goût de l’enfance. Les héros sont désintéressés et les bandits sont dépassés par leur cupidité. Jose Ortiz s’est plu à mettre en images le récit de Nizzi. Son solide coup de pinceau et l’architecture inspirée de ses aplats noirs trouvent à s’exprimer pleinement dans l’épisode shakespearien de la tempête au-dessus du golfe californien.

La crypte.
Tex Willer et Kit Carson ont été appelés au Mexique par leur ami de longue date, Montales, gouverneur du Chihuahua, afin d'aider le professeur Doberado dans sa recherche d'une carte au trésor de l'empereur aztèque, vieille de plusieurs siècles. Le précieux document pourrait se trouver au couvent abandonné et en ruine de San Xavier. Le trio s'y rend mais des sbires de George Buchanan, trafiquant d'art américain prêt à tout pour s'enrichir toujours davantage, les attendent. L'antique crypte recèle bien des surprises.
Claudio Nizzi s'amuse à déployer une histoire de trafic de vestiges archéologiques depuis le milieu universitaire mexicain jusqu'aux jungles luxuriantes de l'Etat de Chihuahua. Les bandits sont bien présents dans leur brutalité caricaturale avec moustaches et sombreros mais ils cèdent aussi la place à des citadins cauteleux et froussards, médecin, professeur, hôtelier. Surveillance et espionnage à tous les étages font avancer l'aventure d'abord à l'avantage des trafiquants jusqu'à ce que les rangers s'aperçoivent des manigances et tentent d'inverser le processus. José Ortiz (1932-2013) est un grand d'Espagne par son talent de dessinateur. Prolifique dès les années 1950, il est toutefois consacré dans les années 1970 à juste titre car son trait s'affirme et la décennie suivante, il s'engage dans des projets qui lui tiennent à cœur. Technicien de haut vol nanti de solides acquis académiques, il jette un trait vif et tranchant qui se charpente et se nourrit sur des masses charbonneuses. Ses compositions savamment bâties sont amples et vigoureuses, parfaitement lisibles et d'une beauté formelle époustouflante. Son travail en fin de carrière sur la série italienne Tex Willer est malheureusement très en deçà de ses précédentes prestations mais le résultat demeure néanmoins très acceptable.

Le long voyage.
En 1521, juste avant que la capitale aztèque ne tombe aux mains des conquistadors avides d’or, le fabuleux trésor indien est déplacé dans un site sauvage à l’écart des hommes. Pourtant, malgré toutes les précautions prises, une carte subsiste et trois siècles plus tard, elle refait surface et attise toutes les convoitises. Appelés par Montalès, le gouverneur mexicain de l’Etat de Chihuahua, les rangers Tex Willer et Kit Carson viennent prêter main forte à l’éminent professeur Doberado mais déjà leur voyage en train est fortement perturbé par une attaque à cheval de bandits mexicains. Pour Tex, un tel concours de circonstance est suspicieux et les sinistres pilleurs de train auraient pu être mandatés pour compromettre leur venue en terre mexicaine.
Claudio Nizzi, en scénariste aguerri, met en place une aventure mouvementée qui intéresse immédiatement et retient toute l’attention. Le grand dessinateur espagnol Jose Ortiz voit la précision de son trait diminuer et la richesse de ses textures s’amincir à mesure que l’âge avance mais son dessin n’a pas encore l’épure presque caricaturale des dernières œuvres. Les planches de l’artiste ibère dans sa maturité sont enchanteresses et continuent d’irradier en sourdine malgré le temps assassin. L’histoire se développe dans le n° 516 « La cripta » et se conclue dans le n° 517 « Il serpente piumato ».