Les damnés de l’Arctique.
Tornuak, le colosse inuit, est d'autant plus redoutable qu'à sa force physique exceptionnelle et à son intelligence aiguisée de chasseur s'ajoute l'énergie liée à sa soif de vengeance, hanté par l'ours polaire géant qui a détruit sa famille. Il veut faire justice dans un combat qu'il recherche depuis longtemps, harpon effilé contre griffes et crocs acérés. Finalement, Tex et ses compagnons ont retrouvé l'expédition britannique mais les attaques régulières et meurtrières des Mahaha cannibales obligent à scinder le groupe, rendant les hommes plus opérationnels mais aussi plus fragiles. Le lieutenant Hillary et son entourage sont faits prisonniers par les Mahaha pour être livrés en pâture à l'ours légendaire que Tornuak traque. Tex et ses pards s'approchent du village. La confrontation est inévitable et sera sauvage.
Le quatrième numéro clôt l'épopée arctique en privilégiant l'aventure aux franges du fantastique. Serait-ce possible qu'il existe des survivants de l'expédition Franklin anéantie depuis cinquante ans ? L'ours monstrueux est-il réel ?
Bien du monde s'agite dans ces contrées gelées et ventées, vides et hostiles. Mauro Boselli s'est appuyé sur des faits historiques nécessairement lacunaires pour imaginer une aventure au souffle épique. Des personnages forts nouent leurs destinées dans une expédition qui les transcende. Giovanni Bruzzo réalise ses 456 planches sans mollir, d'une main forte. Une nouvelle fois, la série Tex Willer mensuel tient le haut du pavé dans la bande dessinée populaire de qualité qui demeure inédite en France pour sa meilleure part.

La cloche dans le brouillard.
Dawn est prisonnière de Tornuak, le redoutable Inuit dotée d’une force colossale. Tex et ses pards ont rejoint une partie de l’expédition scientifique restée à terre menée par le lieutenant Hillary ainsi que Mike Foster et son ami Dogrib, Aquila. Les autres membres de l’expédition dirigés par le capitaine Bailey se déplacent en canots et approchent de l’endroit probable où se seraient échoués les deux navires de la précédente mission il y a maintenant quarante ans. Les découvertes vont les stupéfier.
Troisième volet avant le dénouement que l’on aimerait repousser indéfiniment tant l’aventure est prenante et possède un souffle épique, le lecteur est embarqué dans une histoire d’une grande richesse narrative et d’une mise en image exceptionnelle. Il faudrait lire cette saga nordique en parallèle des « Rêves arctiques » de l’écrivain naturaliste Barry Lopez.

Les guerriers de la toundra.
Traversant les immenses terres du Nord-Ouest canadien, Tex Willer, ses trois pards et Jim Brandon luttent pour leur survie contre des Indiens belliqueux. Plus au nord, dans la toundra, l’expédition scientifique atteint l’Océan Arctique. Une partie de l’équipe va prendre la mer et l’autre partie suivre la côte sous l’œil prédateur de Tornuak, Inuit obsédé par la vengeance depuis que sa famille a été massacrée par un ours polaire. Redoutable, esseulé, assassin, Tornuak a des visées sur la belle chasseresse métisse, Kathy Dawn. Il n’aura de cesse de l’épier et d’attendre le bon moment pour la capturer. Mike Foster et Aquila, son ami Dogrib convergent aussi vers le Nord à la recherche de Molly Rainey alias Dallas mais ils ont rapidement maille à partir avec les Inuits car deux des leurs ont été tués et les étrangers sont vite tenus pour responsables des meurtres sauvages.
Le second volet de la grande aventure arctique conserve le souffle de l’épopée. L’atmosphère des terres désolées du Grand Nord est particulièrement bien rendue. La charge de l’ours sur les bœufs musqués puis sur les hommes est un moment fort. Les épreuves du chemin sont permanentes mais les personnages s’obstinent vers ce qui est peut-être une chimère, les deux navires de John Franklin, disparus depuis quarante ans durant la recherche du passage du Nord-Ouest. Giovanni Bruzzo gagne ses lettres de noblesse avec sa superbe prestation graphique qui bat largement en brèche ses précédentes contributions à la série. Le lecteur sent que le dessinateur a haussé son talent mais qu’il y a mis aussi du plaisir à exécuter sa partition.

A la recherche des bateaux perdus.
Au Canada, dans les Territoires du Nord-Ouest, près du Grand lac des Esclaves, Yotimo l’Inuit et Aquila le Dogrib, après une courte lutte au sujet de l’attribution d’un canard abattu simultanément d’une balle et d’une flèche, finalement fraternisent sous l’œil bienveillant de Mike Foster. Les deux aborigènes vont épauler Mike dans la quête de Dallas, sa dulcinée qui s’est engagée avec Dawn, Indienne métissée pour ravitailler en gibier une expédition scientifique en route vers l’Arctique. A Fort Black, un avant-poste de la police canadienne, Tex Willer et ses compagnons son appelés à l’aide par leur ami, le colonel Jim Brandon au sujet de cette même expédition partie à la recherche des deux navires perdus de Lord Franklin, un demi-siècle auparavant. Brandon craint l’hostilité des autochtones et plaide en faveur du corps expéditionnaire scientifique auprès des Indiens Fox qui n’entendent pas obtempérer et passent à l’attaque, malmenant Brandon et son escouade venus parlementer.
Mauro Boselli a conçu une histoire sur quatre numéros soit 456 pages au total. L’aventure des rangers en terre arctique a le souffle de l’épopée. Les multiples protagonistes qui se croisent, s’affrontent, se découvrent sont superbement orchestrés dans un scénario qui ne néglige personne, resserrant progressivement tous les protagonistes vers les deux navires fantômes, l’Erebus et le Terror. Giovanni Bruzzo a encore haussé son niveau graphique. Il n’oublie rien, truffant sa bande dessinée de détails significatifs qui augmentent considérablement le plaisir de la lecture. Après la découverte d’une histoire haletante, on peut reprendre plus tranquillement la lecture et s’attarder sur les multiples ambiances, le soin apporté à l’expression des visages et des sentiments, au rendu des animaux de la toundra.

Les mystères de San Francisco.
Alors que Tex Willer et ses pards devraient retourner chez eux en Arizona après l’aide décisive apportée aux autorités de San Francisco. Tom Devlin, chef de la police et ami cher aux rangers, les sollicite in extremis au sujet d’un nouveau braquage de banque, ahurissant et inexplicable. Tex remet à plus tard son départ et reprend l’enquête. Les amis sont reçus par le juge Matthews mais l’homme de loi est sous l’emprise de Méphisto. Plus tard, Matthews prend une calèche et part dans la nuit. Tex et consorts s’en aperçoivent et lui emboîtent la roue. Le juge sous hypnose n’est qu’un appât. Méphisto tire les ficelles depuis son repaire dans l’asile de Black Mountain et il veut capturer vivants Tex, Carson, Kit Willer et Tiger Jack afin de se venger définitivement de ses ennemis jurés. Pactisant avec les démons, Méphisto dispose d’une aide surnaturelle et d’une haine absolue.
Dans un second volet superbe, Mauro Boselli déploie tout le machiavélisme de Steve Dickart alias Méphisto, ennemi récurrent du ranger apparu dès le n° 3 de la série princeps Tex Willer. L’illusionniste itinérant, bateleur le jour, voleur la nuit va être annihilé par le ranger et apparaître à nouveau, plus fort, déterminé et maléfique, sa physionomie se métamorphosant à la mesure de ses accointances avec la démonologie. Méphisto est le personnage mauvais et emblématique de la série. Il ne peut être que repoussé dans les ténèbres jusqu’à un prochain surgissement endiablé. Avec un mode opératoire constant, Méphisto est identifiable immédiatement mais les rangers peinent à reconnaître leur pire adversaire. Bien mal leur en prend car Méphisto tire toutes les ficelles et manipule à sa guise Tex et consorts en horrifique position.
Les frères Cestaro, vrais jumeaux napolitains et orfèvres en dessin travaillant de concert, font évoluer leur style, œuvrant à toujours plus d’expressivité. Dans leurs bédés, tout est source d’enchantement pour le lecteur.

L’asile du Docteur Weyland.
Blacky Dickart alias Yama est prisonnier d’une angoisse existentielle terrifiante qui le cloue sur place, sa propre mort sans cesse revécue. Il revoit dans son délire déchirant ses exécuteurs, Tex Willer et ses trois partenaires. Pensionnaire de l’asile du professeur Weyland, Dickart ne dépareille pas des autres aliénés frappés de tous types de démence. Le docteur Arthur Crane est nouvellement affecté au Black Mountain Asylum, asile psychiatrique isolé et enclos dans les collines de San Francisco et il découvre, fasciné, les méthodes novatrices de Stephen Weyland. Les rangers Willer et Carson sont venus prêter main-forte à leur ami Tom Devlin, chef de la police de San Francisco pour arrêter un psychopathe dans les égouts. Ils sont médusés en apprenant ensuite que le tueur, comme d’autres avant lui, n’est pas condamné à la potence mais dirigé comme malade mental vers l’asile de Weyland qui promet les plus folles guérisons.
Mauro Boselli, prolifique et infatigable scénariste du ranger texan, est un maître pour installer ses climats où vont s’agiter une foule de personnages et se réactiver des vieux démons à l’exemple de Yama fils et Mefisto père, sinistres mages noirs de vieille connaissance pour les lecteurs assidus à la série. Un bonheur ne venant jamais seul, comme le malheur d’ailleurs, la nouvelle aventure de Tex Willer est dessinée par les frères jumeaux napolitains Raul et Gianluca Cestaro. Il aura fallu espérer leur retour depuis maintenant dix ans. Ces deux artistes majeurs ne déçoivent jamais. Tout attire le regard et le ravit, la mise en page, les décors et surtout les expressions des visages, puissantes et pénétrantes tels les yeux hypnotiques du diable incarné en Mefisto. La suite haletante est attendue en mai 2022.