BMR [dont j’apprécie les notes de lecture serties d’extraits bien choisis] m’a amené jusqu’à la « Mer d’encre » qui conte l’histoire vraie de Chu Ta, né en 1626, dernier prince de la dynastie des Ming en Chine devenu ensuite moine, peintre et calligraphe.
Les phrases sont courtes, ramassées, comme une incise dans un récit bref et dense. Peut-on parler d’humour noir quand on lit : « Face au péril, l’empereur s’était pendu. L’avenir de la dynastie ne tenait plus qu’à un fil » ?
De dépouillement en dénuement, le prince Ming change de vie et de nom : Chu Ta alias Chuanqi alias Xuege alias Geshan autrement dit Bada Shanren dont 179 tableaux et albums datés lui survivent encore aujourd’hui. Faire parler le pinceau et devenir maître du grand noir, cette encre dont la fonction réside dans l’expressivité et la variabilité de son flux, voilà le but ; l’apprentissage peut durer toute une vie et tendre vers la maîtrise de la puissance de l’encre et du pinceau sans jamais y parvenir. Des conseils pratiques sont donnés, des énigmes sont posées. Comment fabriquer l’encre ? Comment être soi-même ? Qu’est-ce que l’unique trait de pinceau ? Le questionnement philosophique et le vertige métaphysique jalonnent le cheminement du peintre et titillent le lecteur. Comme la main tenant le pinceau, on peut parcourir le livre ou bien ralentir la lecture et gagner en poids et en intensité surtout quand l’idée s’enlace à la sensation : « Pieds nus, il courut sur le sol élastique de la forêt de pins, il lui semblait danser avec la terre. » On peut parfois être un peu agacé par les descriptions redondantes et superfétatoires de Richard Weihe face aux dessins reproduits dans le texte et qui parlent d’eux-mêmes. Il a tenté de recomposer le mouvement du peintre avec des mots sans parvenir à donner une nouvelle dimension au tableau. Mise à part cette réserve, la lecture tient souvent de l'enchantement.
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