Un excellent roman !
« Dernière heure !.... Dernière heure... Mystérieux suicide rue de la Chimère ! » crie le petit vendeur de journaux, ravi de l’aubaine. Un suicide, ce sont des ventes assurées.
Nous sommes à Budapest, en 1938. La victime, André Balog, vingt-huit ans, s’est tiré une balle dans la tête. Pourquoi ce fils d’une famille aisée, touche-à-tout brillant quoique instable, doué pour l’écriture, a-t-il mis fin à ses jours ? Qu’est-ce qui ou qui a causé cet acte fatal ? Tour à tour, douze membres de son entourage reviennent sur sa vie en une suite de douze monologues où ils évoquent les circonstances du drame ; le petit livreur de journaux, un policier, le gardien de la maison. Son frère aîné, Tibor, son contraire en tout point, qui a repris l’usine paternelle et épousé la femme qu’aimait André. Eva, la jeune égoïste qui lui a préféré son frère. Sa mère, qui avoue ne l’avoir jamais aimé. Son père, qui, s’il l’a aimé, n’a jamais su le lui montrer. Agnès, la jeune fille qui l’a aimé en vain et lui a donné un fils. Son ami Joseph Benedek, qui le jalousait et se servait de lui. L’enfant, le médecin de famille et le prêtre.
Tous à un moment ont été habités par la culpabilité et, même si elle est évoquée pour mieux être balayée, chacun se dévoile en donnant son éclairage sur le drame. Ainsi apparaît par petites touches la réalité d’une famille rongée par le manque d’amour, la haine, les rancœurs accumulées, dont André est autant la victime que le produit. On pénètre dans un monde où l’intérêt seul régit les relations humaines. À travers les souvenirs que laisse André se dessine le portrait tragique d’un jeune garçon trop sensible. Il n’a jamais trouvé sa place au sein d’une famille (et plus généralement d’une société) où règne la corruption des sentiments.
Publié en 1939, ce roman extraordinairement touchant est une véritable découverte. Les thèmes aussi bien que la construction ont des résonances très actuelles. Il nous hante longtemps car il explore les ressorts intimes de la culpabilité, du chantage affectif, de la névrose de répétition, bref, de l’âme humaine. Il peut être vu aussi comme une métaphore de l’Europe des années 1938-1939.
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