[Un Instituteur alsacien entre France et Allemagne. Journal, 1914-1951 | Philippe Husser]

On a peu de témoignages spontanés d'alsaciens qui couvrent les deux guerres, car la plupart des récits sont écrits pour être publiés donc romancés.

Philippe Husser tenait son journal quotidien, pour lui même tout d'abord, avec l'espoir et dans le soucis d'édifier ses descendants sur sa vie. C'est d'ailleurs son petit fils, Franck Ténot qui a fait publier les cahiers.

Qui est Philippe Husser ? Un instituteur protestant libéral alsacien, né français en 1862. Après l'annexion de 1870, il devient allemand, et considère donc l'allemand comme sa langue maternelle, dans laquelle il pense, parle, lit et enseigne, jusqu'en 1918 où l'Alsace est réintégrée à la France, et impose assez brutalement l'apprentissage du français. Nouveau changement de nationalité en 1940, pour redevenir français à la libération.

La famille même de Philippe Husser est bouleversée par la "tragédie alsacienne". Sa fille ainée, Marie, épouse un allemand, Jeanne et Lucie les deux cadettes, des français. Les relations de famille transfrontalières vont devenir de plus en plus compliquée à gérer, et se transformer en conflit larvé au fur et à mesure que la botte hitlérienne s'abat sur la Rhénanie.

Heureusement, Franck le petit fils français, et Annemarie, la petite fille allemande éclairent les vieux jours du bon instituteur. La tendresse infinie de ce grand père inonde les dernières pages, souvent submergées par l'amertume due à l'Occupation.

Ce livre est précieux. Après cette lecture, je me sens plus que jamais attachée à cette région dont je suis à moitié originaire et je savoure aujourd'hui le privilège de ne pas avoir à choisir mon camp, et jouir de l'amitié franco-allemande.

Reste la question du dialecte, qui tend à disparaitre avec le décès de la génération de Franck Ténot, au profit d'un bilinguisme rendu nécessaire par l'Europe. Le droit local est menacé, nous serons bientôt à 2h30 de train de Paris... Comment l'Alsace et les alsaciens vont ils évoluer au 21e siècle ? C'est peut être à ma génération d'écrire les pages de cette histoire.

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