Ce livre, pas encore traduit en français, est l'autobiographie de Sœur Helen Prejean, dont Tim Robbins a tiré les éléments de son film homonyme. Force est de constater qu'il n'est pas fidèle tout à fait dans la forme.
Helen Prejean a grandi dans une famille blanche et socialement favorisée de Louisiane. Après sa prise de voile, elle est nommée dans des quartiers nécessiteux, ce qui lui fait soudain découvrir un autre monde, bruyant, dangereux, à majorité noire, vivant entre la misère, l'injustice et l'abandon de la société, où il est plus grave de tuer un blanc qu'un noir, surtout si on est noir.
En réalité, Dead Man Walking présente deux cas que Sœur Helen Prejean a suivis dans le couloir de la mort, pratiquement antithétiques.
Le premier, Pat Sonnier, est un jeune cajun, qui, après un mic-mac monté avec son frère (le véritable assassin), se retrouve dans le Couloir de la Mort, alors que son frère obtient la prison à perpétuité. Ce dernier, bourrelé de remords, clame alors vouloir échanger son sort avec celui de son frère, afin que celui-ci ne soit pas exécuté à sa place, mais la justice, poussée par des impératifs électoraux et l'intime conviction du Pardon Board, soucieux de conserver ses appointements en ne prononçant pas trop de grâces, décide qu'il ira "frire" quand même sur la chaise électrique.
On sent la sympathie de Soeur Helen pour Pat Sonnier : sa douceur, son altruisme, son amitié réciproque avec ses gardiens, les paroles de paix envers un des deux parents, et d'amour à son égard, qu'il prononce avant de mourir... Il devient la référence récurrente de la sœur à partir de là, impliquée plus qu'en théorie dans la lutte contre la peine de mort.
Bien entendu, satisfaisant à la fois à l'antithèse et l'exhaustivité, elle propose son deuxième cas, loin d'être doux, innocent et sympathique, celui-là, celui de Willie Roberts. Le paumé complet, avec de multiples addictions, des souffrances, l'incapacité à trouver sa place dans la société. Et la sœur a eu un haut-le-corps en lisant les rapports judiciaires le concernant : ses crimes, accomplis avec un complice, sont ahurissants d'horreur et de cruauté. Mais il va falloir l'accompagner aussi, celui-là, puisque l'État va perpétrer sur lui un assassinat de sang-froid. Elle le définira, en le connaissant mieux, comme un petit garçon dans un corps d'homme et la discussion avec lui le fera également avancer et prendre conscience de plusieurs de ses erreurs, même si l'on n'arrive pas à l'élévation du personnage incarné par Sean Penn, qui est un mélange de Pat Sonnier et de Willie Roberts.
Les arguments contre la peine de mort, relevés au fur et à mesure de la lecture sont connus : inégalité entre les riches et les pauvres, entre les blancs et les noirs devant la peine de mort ; elle peut toucher des innocents, ce qui rend toute réhabilitation impossible ; cette dernière reste un meurtre de sang-froid et revient à dire à la société que tuer quelqu'un peut être un acte juste ; elle n'apporte aucun soulagement en elle-même aux familles des victimes, qui sont réellement abandonnées par l'État elles-mêmes, éventuellement conviées à l'exécution et c'est tout.
Les rapports avec les parents des victimes sont houleux, mais le livre se conclut sur le cas de Lloyd LeBlanc, un des pères de victime, qui a choisi de pardonner et qui agit du côté des condamnés comme des victimes et apporte à tous sa compassion ; c'est le seul qui ait à nouveau un élan vital. Je ne veux pas employer de grands mots, mais le seul qui me vient est de dire que c'est un saint !
C'est de l'anglais facile, fluide, les récits sont entrecoupés de passages explicatifs où elle offre des données plus générales sur la question de la peine de mort aux États-Unis dans les années 80. Je regrette que le livre ne soit pas publié en France.
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