Ingénieur en mécanique, François Bon publie son premier roman à trente ans, en 1982: "Sortie d'usine". Un titre qui sonne comme un hommage aux frères Lumière... Avec ses mots à lui, sa langue si singulière, François Bon dit l'usine. Il dit la machine qui absorbe et broie. Il dit le travail comme un étau dont les machoires se ressèrent sur des êtres. Il dit la violence non spectaculaire de la routine, et ses sorties-accidents : la mutilation, la mort, la démission. Il saisit des images, des voix, des visages. Il s'attache au concret, à la description d'objets, de personnes, d'actions. Il se saisit de toute cette matière, il se l'approprie et lui donne forme littéraire. Jamais, dans aucun autre roman, je n'ai senti une aussi belle tension entre la vérité du monde du travail et la beauté d'une forme littéraire. On entend les sons de l'usine, les sons qui hantent le sommeil. On voit les mains au travail, les mains d'après le travail. On ressent la peur de l'enfermement, jusque dans la maison. Au-delà de cette matérialité brutale, "Sortie d'usine" est un roman qui extorque au réel le sentiment de présence. François Bon sort de l'ombre ces vies usées et les éclaire à la lumière de ses mots. Faisant cela, faisant cela dans ce moment de l'humanité où l'ouvrier est vidé puis jeté, il résiste à l'effacement de la figure humaine. Vingt ans plus tard, il a écrit "Daewoo"- récit de trois usines lorraines démantelées.
Si vous êtes curieux, allez faire un tour sur le site qu'il a créé "remue.net" et sur son propre blog (passionnant).
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