Lecture professionnelle (encore et presque toujours !) imposée de l'extérieur. Je me sens obligée de le préciser puisque, lorsqu'un roman s'adresse si visiblement aux adolescents en enfilant, voire en concentrant, tous les poncifs possibles, j'ai des élancements dans les dents. Quand j'enseignais au collège, Olivier Adam était un modèle du genre (On ira voir la mer, de sinistre mémoire...).
Bref, ça commence avec, comme une fois sur trois, avec un adolescent surdoué ou au moins (neur)atypique, Lou Bertignac. Elle a sauté deux classes, a de très bons résultats mais des rapports compliqués avec les autres, et une famille brisée par le deuil d'une toute petite sœur. Poussée dans ses retranchements pour un exposé par un professeur (occasion de pester contre ces profs qui vous imposent des exercices), Lou se souvient d'une SDF très jeune aperçue à la gare et propose un exposé sur ce thème, nourri d'une interview. Voici alors des rendez-vous au café, où No commande des boissons alcoolisées et évoque de manière laconique une vie angoissante et fatalement précaire dont la précarité et la misère s'auto-alimentent, mettant à mal la logique de mérite. No(lwenn) a tiré les mauvaises cartes dès sa conception. Lou imagine donner à cette amitié de hasard une chance de se reconstruire et de repartir du bon pied et ses parents sont d'accord pour l'accueillir et l'accompagner en douceur... Et le bonheur entre dans la maison...
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Ça m'a fait drôle d'avancer si vite au milieu d'un livre, cela n'était pas arrivé depuis longtemps ; il y avait longtemps que je n'avais pas le temps de lire, d'ailleurs.
C'est pour moi une lecture destinée plutôt à des élèves de fin de collège ou à des Lycéens en difficulté, car il n'y a aucune embûche dans le style et il est assez bon de leur faire comprendre tôt ce que je disais dans l'argument ci-dessus : les mécanismes de la marginalité, quand elle se manifeste par la misère, sont très complexes et multiples et excluent les "yaka-fokon". D'ailleurs No rencontre plus d'une fois dans sa vie ces organismes destinés à la tenir au-dessus du gouffre dans le pire des cas, à l'emmener sur une terre plus ferme, dans le meilleur ; elle accepte le plus souvent leur aide. L'autrice a choisi la carte du réalisme. Il y a aussi quelques personnages qui lui tendent la main, Vigan n'a pas cherché à prendre le pire des cas. Mais ces personnages sont soit appointés par les services sociaux, soit volontaires, bénévoles, mais No sent bien qu'on ne lui offre pas de place, que c'est l'amour inconditionnel d'une famille qui donne de la sécurité à un enfant et l'aide à pousser ses propres racines. Pour filer la métaphore, No est en hydroponie car sa seule assise est Lou, elle-même dépendante de parents qui veulent bien aider pourvu que leur fille ne risque rien. Quant aux opposants, ces requins qui sentent la blessure de loin, les personnes qui ont l'habitude d'aides superficielles voire d'absence de recours et qui exploitent cela, je mets en tête de liste les employeurs sur qui reposent complètement le destin d'une personne qui tente de se remettre à flot. C'est en tout cas l'élément déclencheur choisi par l'autrice, conjointement à une autre péripétie fatale qu'on devinera : les raisons d'une rédemption (terme bien impropre, quoi donc cette pauvre No aurait-elle à racheter ?) comme d'une déchéance sont des amas de causalités.
La petite histoire d'amour latérale est bien sympathique et déconnectée de la vraisemblance, concession à l'idéalisme adolescent, mais après tout, pourquoi pas ? Quelques roses peuvent bien ne pas avoir d'épines.
Goût amer à travers un petit bout de guimauve, qui prouve que le récit est efficace.
Prix des libraires 2008.
Je viens de voir qu'un film avait été tiré du roman. Je suis un peu surprise : No(lwenn) n'est pas No(ra), laquelle est bien plus pétillante et primesautière que la première, pondérée par la méfiance et la consciente de la fatalité qu'elle véhicule.
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