Relecture.

Nous avons affaire ici à un recueil de nouvelles rassemblées après coup autour de plusieurs textes publiés séparément, notamment "Le Silence de la mer", une nouvelle de quatre-vingt-dix pages et La Marche à l'étoile, un roman publié à part également en 1943. Le premier titre est également le premier récit publié aux Éditions de Minuit en 1942, a été expressément mis sous presse à la demande du Général de Gaulle et Vercors en a trouvé un exemplaire dans son jardin, largué par la RAF (source Wikipédia... désolée !).

Je les ai toutes aimées, dès ma première lecture, en 1999, avec des émotions parfois différentes. Les personnages ou les narrateurs sont des personnes sensibles, humanistes, jamais d'authentiques salauds. "L'Imprimerie de Verdun" nous montre le parcours d'un pétainiste par fidélité militaire qui croit en la parole d'un compagnon d'armes et d'un héros de guerre. Il devra bien finir par ouvrir les yeux sur ce qu'est la loyauté, ce qu'est un compagnon juif, franc-maçon, antifasciste et, quoi qu'il préfère, finir par s'engager... L'inertie est également un engagement. L'idée fera grincer des dents.

Il y a beaucoup de larmes, de colère, du dégoût... Une esthétique du macabre dans "Le Songe" et l'affirmation romantique (spirituelle ?) d'une conscience collective qui fait que nul ne peut se dire ignorant, innocent de ce qu'il arrive à son frère.

Enfants, femmes, vieillards, malades, tous sont entraînés dans ce qui apparaît comme un cauchemar, une période sacrificielle, fratricide aussi. Bien avant toute idée d'Europe et en pleine guerre, Vercors (hors Résistance, Jean Bruller) imagine dans "Le Silence de la mer" un officier allemand (Werner Von Ebrennac) visionnaire, qui pense qu'on peut "marier" la France et l'Allemagne, de force d'abord, un peu comme la Belle et la Bête, mais qu'un jour les deux pays verront combien ils peuvent s'apporter en s'unissant de cœur. Beau, artiste, sensible, pétri de bonnes intentions et de belles manières, Ebrennac, d'origine française, d'une famille de huguenots persécutés, sans doute, est tellement séduisant (on sent le feu sous l'indifférence glacée de la nièce du narrateur) qu'il a fait douter du patriotisme de l'auteur chez bien de ses contemporains. Cet Allemand-là est trop sympathiquement naïf. L'auteur voudrait-il laisser croire qu'il n'était peut-être pas une exception ? J'avoue que cette question, plus d'un demi-siècle après, ne m'était pas venue à l'esprit : le caractère romanesque des récits était évident pour moi. Vercors a le mérite d'insinuer avant l'heure que l'Allemagne et la France auraient pu s'unir mais que la guerre n'en était évidemment pas le moyen : le paradigme du conte était d'une puérilité ridicule. Didier Rossi donne un nouveau sens au silence des personnages obligés d'écouter les vaticinations de cet officier allemand : ses propos ne tiennent pas debout, il n'y aurait de toute façon rien à lui répondre.

Parmi les thématiques évoquées ci-dessus, je me rends compte que dans ces luttes contre l'Occupation, le totalitarisme et les persécutions de ceux-ci ou de ceux-là, les thèmes de valeurs de la devise républicaine éclairent avec plus ou moins de puissance de chacune des nouvelles humanistes du recueil...

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